Un journaliste d’investigation entre la vie et la mort dans le sud de l’Ukraine

Reporters sans frontières est choquée par l’attaque subie par le journaliste ukrainien Oleksander Vlaschenko. Le collaborateur du journal local Nashe Misto se trouve actuellement dans un état grave à Mykolayiv (Sud), après reçu une balle dans la tête dans la nuit de dimanche à lundi. « Nous faisons part de toute notre solidarité à Oleksander Vlaschenko, ses proches et ses collègues, et nous nous félicitons que la police ait finalement inclus le motif professionnel parmi les pistes envisagées. Cette possibilité doit être examinée avec le plus grand sérieux et faire l’objet d’une investigation complète et impartiale », a déclaré l’organisation. Oleksander Vlaschenko a été attaqué par des inconnus sur le chemin de son domicile, peu avant minuit, dans la nuit du 16 au 17 octobre. Ceux-ci lui ont tiré une balle dans la tête et lui ont volé ses deux téléphones portables et son appareil photo, avant de prendre la fuite. Cependant, les agresseurs ont « oublié » les 300 grivnas (environ 30€, une somme relativement importante dans cette partie de l’Ukraine) qu’il portait dans sa poche. Ce détail met en doute la piste crapuleuse, d’abord privilégiée par la police. Le journaliste est connu pour ses positions critiques vis-à-vis des autorités locales et ses investigations sur des sujets hautement sensibles, notamment des affaires de corruption et de crime organisé. Ses dernières investigations concernaient de possibles malversations lors de ventes de terrains, impliquant des membres des autorités locales. Joint au téléphone par Reporters sans frontières, Anatoliy Astafiychuk, rédacteur en chef de Nashe Misto, a souligné qu’« on ne peut pas écarter la piste purement criminelle, mais la piste professionnelle est tout aussi vraisemblable : notre collègue travaille sur des thèmes extrêmement sensibles et nombreux sont ceux qui pourraient vouloir se venger. Il a déjà été passé à tabac il y a trois ans, et s’en est sorti avec un traumatisme crânien (…) Il a fait l’objet de menaces de mort dans plusieurs commentaires postés en ligne sous ses articles ». Oleksander Vlaschenko figurait également parmi quatre journalistes passés à tabac par des représentants de l’inspection fiscale en mai dernier (voir photo). Le journaliste est sorti du coma, mais il est atteint d’amnésie. La balle est logée trop profondément dans son cerveau (8 cm) pour être extraite pour l’instant. L’état du journaliste est jugé très sérieux par les médecins. Une enquête a été ouverte pour « vol commis par un groupe organisé ou en infligeant des blessures graves » (article 187 du code pénal). La police recherche actuellement des témoins. « Des journalistes sont régulièrement agressés et passés à tabac dans la région de Mykolayiv, rapporte Anatoliy Astafiychuk. Mais ce serait la première fois que l’un d’entre eux est visé par balles en lien avec ses activités professionnelles ». De manière générale, les agressions de journalistes sont l’un des problèmes majeurs en Ukraine, où la liberté de la presse se dégrade à nouveau sensiblement après avoir soulevé de grands espoirs. Le pays est classé 131ème sur 178 dans le dernier classement mondial établi par Reporters sans frontières. (Photo: Oleksander Vlaschenko, après son passage à tabac en mai 2011)
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Updated on 20.01.2016