Un journaliste démissionne sur pression gouvernementale

Dans une lettre adressée au ministre de l'Information pakistanais, Nisar A. Memon, Reporters sans frontières (RSF) a exprimé sa vive préoccupation après la démission de Shaheen Sehbai, chef de service du quotidien The News, le 1er mars 2002. "Nous demandons au nouveau ministre de l'Information de faire toute la lumière sur cette affaire", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. "Les communiqués gouvernementaux en faveur de la liberté de la presse sont en totale contradiction avec les agissements du gouvernement", a-t-il déploré. L'organisation de défense de la liberté de la presse a également demandé au ministre de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que l'appel pour la libre circulation des journalistes, lancé par la SAARC le 9 mars 2002, ne reste pas sans effets. Selon les informations obtenues par RSF, Shaheen Sehbai, chef de service et journaliste pour le quotidien anglophone The News, a déposé sa démission le 1er mars 2002 et déclaré agir sur "pression gouvernementale". Le journaliste aurait en effet refusé, comme le lui demandait son rédacteur en chef, de renvoyer Kamran Khan, Amir Mateen et Rauf Klasra, tous trois journalistes pour le quotidien. Kamran Khan avait signé un article suggérant l'implication de Sheikh Omar, instigateur de l'enlèvement du journaliste américain Daniel Pearl, dans l'attentat contre le parlement indien en décembre dernier. Amir Mateen, basé à Washington, avait quant à lui révélé que lors du dernier voyage officiel du président Pervez Musharraf aux Etats-Unis, certains de ses ministres étaient "restés dans l'ombre" pour des raisons de sécurité. Shaheen Sehbai et Rauf Klasra s'étaient déjà plaints, quelques semaines auparavant, de pressions opérées par les services secrets. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement fait pression sur l'exécutif d'un quotidien. Le 21 juillet 2001, Masood Malik, journaliste pour le quotidien en ourdou Nawa-i-Waqt, avait été rétrogradé le lendemain de son intervention auprès du général Musharraf. Le 20 juillet, le journaliste avait assisté à la conférence de presse donnée par le chef d'Etat pakistanais à l'occasion du sommet d'Agra, et lui avait posé la question suivante : "Si un chef d'Etat élu s'était déplacé pour le sommet, il aurait peut-être été plus productif. Qu'en pensez-vous ?" Le lendemain, le journaliste apprenait qu'il devait quitter l'équipe de reportage et rejoindre la rédaction, pour avoir "violé" la ligne éditoriale du journal. Le département de la presse et de l'information, corps de régulation des médias pakistanais, avait fait pression sur les dirigeants du quotidien afin qu'une sanction soit prise contre le journaliste. Par ailleurs, Reporters sans frontières s'est félicitée de l'appel lancé par les ministres de l'Information des pays membres de la SAARC (Association de l'Asie du Sud pour la coopération régionale) lors de la conférence de clôture du sommet le 9 mars 2002, invitant à la libre circulation des journalistes dans cette zone. L'organisation de défense de la liberté de la presse espère que les rencontres de travail sur le sujet, évoquées par le ministre de l'Information pakistanais, ne resteront pas sans suite.
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Updated on 20.01.2016