Un journaliste de radio régionale succombe à dix-huit coups de machette : “aucune trêve à la barbarie”

Directeur du programme “La Voz de la Notícia” pour la station régionale Radio Alegre de Colón, Fausto Elio Hernández, 54 ans, a été assassiné à l’arme blanche, dans la journée du 11 mars 2012 à Sabá, à l’est du département de Colón. Rentrant chez elle à bicyclette, la victime aurait eu une violente altercation avec un autre individu armé d’une machette, qui lui a porté dix-huit coups avant de s’enfuir, sans lui voler le moindre effet personnel. “Cette nouvelle tragédie, particulièrement sordide, manifeste encore une fois le chaos sécuritaire dans lequel est plongé le Honduras, entre les plaies jamais pansées du coup d’État de juin 2009, les actuelles tentatives d’épuration de la police et les violents conflits agraires qui agitent notamment le département de Colón. Qu’espérer de l’enquête qui s’annonce alors que l’impunité perdure dans toutes les précédentes affaires d’assassinats de journalistes, de militants des droits de l’homme et de défenseurs des libertés fondamentales ? Une mission d’enquête internationale doit se saisir des affaires les plus graves. La barbarie ne connaît aucune trêve”, a déclaré Reporters sans frontières. Classé 135e sur 179 pays au dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières, le Honduras compte désormais deux journalistes tués depuis le début de l’année. Le 29 février dernier, l’étudiante en journalisme Saira Fabiola Almendares Borjas, 22 ans, a été retrouvée assassinée à Choloma. Vingt-six journalistes ont perdu la vie en une décennie dont, désormais, dix-neuf dans la période consécutive au coup d’État. ________________ 02.03.12 - Journalistes et acteurs de la société civile dans la tourmente d’une nouvelle vague de menaces Plus un jour ne se passe au Honduras, depuis le début de l’année 2012, sans qu’un journaliste, un propriétaire de média local ou un observateur de la société civile n’apprenne via son téléphone que sa vie est en danger. Ce lot quotidien de menaces et d’intimidations se vérifie aussi bien dans la région militarisée de l’Aguán, théâtre d’un violent conflit agraire, que dans le département de Copán, frontalier du Guatemala et passerelle du narcotrafic, ou encore dans les principales villes, comme a pu le constater une représentante de Reporters sans frontières présente dans le pays du 17 au 29 février. Alimenté par la répression née du coup d’État du 28 juin 2009, ce climat de terreur a rebondi lors du lancement de l’opération policière Relámpago (Éclair) en novembre 2011. Il se prolonge depuis la tragédie nationale survenue avec l’incendie du centre pénitentiaire de Comayagua, au cours duquel 361 détenus ont perdu la vie dans la nuit du 14 au 15 février. Pendant ce temps, l’impunité demeure dans les 24 affaires d’assassinats de journalistes constatées depuis une décennie, dont 17 pour la seule période consécutive au coup d’État. Cette impunité concerne tout autant les cas de représentants de la société civile, militants des droits de l’homme, syndicalistes ou avocats, tués ces dernières années. Aguán : silence, on réprime
En réponse à l’occupation, en 2009, par des paysans coalisés au sein du MUCA (Mouvement unifié paysan de l’Aguán), de terres accaparées illégalement par de grands propriétaires, l’envoi de l’armée a converti la région de l’Aguán en véritable enclave au sein du territoire hondurien. Aucune manœuvre de censure n’est épargnée aux petites radios communautaires qui portent les voix des mouvements locaux. Le MUCA a perdu l’une des siennes en la personne du dirigeant et porte-parole communautaire Matías Valle, le 20 janvier dernier. La récente rencontre internationale pour les droits humains de Tocoa, du 17 au 20 février, n’a en rien atténué les ardeurs répressives de l’armée ou des ennemis des communautés. Ainsi, le 19 février, une vingtaine de journalistes présents dans une caravane de six véhicules ont été interceptés par des militaires, alors qu’ils tentaient de s’enquérir des raisons de la détention des occupants de l’une des voitures, conduite par un dirigeant du MUCA. Les militaires n’ont pas hésité à brandir leurs armes en direction des journalistes, selon le témoignage de l’un d’eux, Giorgio Trucchi, de la Rel-UITA. En moins d’une semaine, d’après notre représentante, le coordinateur de l’observatoire permanent des droits humains dans l’Aguán, Wilfredo Paz, a reçu deux appels menaçants. Les messages se référaient à chaque fois à Juan Chinchilla, autre dirigeant du MUCA. Le second message, qui offrait une forte somme contre l’assassinat de Juan Chinchilla, est daté du 24 février. Ce même jour, le président Porfirio Lobo, accompagné de plusieurs ministres, effectuait une visite dans la région pour ratifier un accord signé une semaine auparavant avec une partie des collectifs paysans du MUCA, destiné à leur garantir un droit de possession sur les terres occupées. Respectivement présentateur et reporter de la petite chaîne locale Centro de Noticias de Colón (CNC), Roberto Hernández et David Corea nous ont confié la quasi impossibilité pour les journalistes de l’Aguán d’exercer leur métier. Financés par des annonceurs parfois perméables à l’argent sale du narcotrafic, les petits médias privés locaux, animés par des journalistes précaires et sans diplôme, préfèrent s’autocensurer sur les sujets sensibles. Comayagua, les vérités qui dérangent
Des portes ont-elles été maintenues fermées par crainte d’une évasion, laissant les prisonniers à la merci des flammes lors de l’incendie du pénitencier de Comayagua ? D’où proviennent les impacts de balles relevés lors de l’autopsie de certains détenus ? Pourquoi les pompiers ont-ils été alertés par des riverains et non par le directeur de la prison ? Celui-ci aurait-il fait miroiter une sortie à des prisonniers en échange d’argent pour au final trahir sa promesse ? Autant d’éléments qui s’ajoutent au scandale de la surpopulation et de l’insécurité carcérales révélé que la tragédie de Comayagua a mis en évidence. Pour avoir soulevé ces questions et enquêté, le journaliste Luis Rodríguez et son cameraman Javier Villalobos, de la chaîne locale câblée Catedral TV ont reçu des menaces explicites, le 22 février : “Arrêtez de parler de l’incendie ou c’est à vous que nous mettrons le feu !” Selon le Comité pour la libre expression (C-Libre), organisation partenaire de Reporters sans frontières, un avertissement du même type a également été adressé au détenteur de la chaîne, Juan Ramón Flores, ainsi qu’à Ramón Cabrera, gérant de Digicable, l’entreprise prestataire du câble à Catedral TV. Protection hasardeuse
Les attaques n’ont pas davantage cessé contre les médias nationaux réputés pour leur opposition au coup d’État et leurs représentants. Directeur de programme pour Globo TV et Radio Globo - objet de plusieurs suspensions et réquisitions à l’époque du putsch -, Ivis Alvarado a dénoncé à l’antenne, le 23 février, le vol ciblé de deux ordinateurs à son domicile quelques jours plus tôt et l’effraction de sa voiture. Le journaliste bénéficie, en raison de menaces persistantes, de mesures de protection. Tel n’est toujours pas le cas de Gilda Silvestrucci et Itsmania Pineda Platero, toutes deux membres du collectif “Journalistes pour la vie et pour la liberté d’expression”, dont une manifestation contre l’impunité a été violemment réprimée par l’armée et la garde d’honneur présidentielle devant le palais du gouvernement, le 13 décembre 2011 à Tegucigalpa. Reporters sans frontières exige à nouveau une réponse à sa demande de protection en faveur des deux femmes, et concernant l’instruction de la plainte déposée par leur collectif après la manifestation du 13 décembre. Une protection doit être accordée de la même manière à Danilo Osmaro Castellanos, directeur de programme pour la chaîne Canal local 32 et vice-président de C-Libre, cible de menaces de mort également dirigées contre sa famille, le 22 février. Le journaliste, établi à Santa Rosa de Copán, s’était récemment exprimé sur la gestion opaque de l’administration locale et avait dénoncé des pressions financières contre sa rédaction pour le faire taire. Deux autres drames survenus le 29 février s’ajoutent à ce sinistre bilan. Employée par Radio Libertad à San Pedro Sula, Mavis Cruz a dénoncé des menaces de mort contre sa personne et ses proches. La journaliste s’était fait l’écho, peu avant, de la démission d’Oscar Manuel Arita Aguilar, un haut fonctionnaire de police. A Choloma, l’étudiante en journalisme Fabiola Almendárez Borjas, 22 ans, a été découverte assassinée avec deux autres individus du même âge. La jeune femme collaborait aux programmes sportifs de la chaîne Canal 30 et de Radio Cadena Voces (RCV). Quatre-vingt jeunes ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires au Honduras depuis janvier dernier. Photo : Fernando Romero
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016