Un journaliste blessé par balles après une tentative de séquestration avortée ; la main du crime organisé hautement probable

Feliciano Gutiérrez Suca, journaliste du quotidien La República, a été blessé par balles alors qu’il se rendait à son domicile accompagné de sa collègue Lourdes Torres Calla, dans la soirée du 5 novembre 2011 à Juliaca (sud). L’attentat serait lié à la publication d’un article début octobre révélant l’implication de membres de la police locale dans des activités de contrebande. “Nous espérons que cet attentat contre Feliciano Gutiérrez Suca fera l’objet d’une enquête appropriée et assortie, jusqu’à son aboutissement, d’une protection effective du journaliste. Difficile de ne pas voir ici la main du crime organisé et sa possible infiltration au sein des rouages de l’administration. C’est aussi pourquoi, compte tenu des antécédents professionnels de Feliciano Gutiérrez Suca, l’enquête doit aussi être conduite dans les rangs mêmes de la police”, a déclaré Reporters sans frontières. Le journaliste a été intercepté à proximité de son domicile dans la soirée du 5 novembre par deux individus armés, descendus d’un véhicule stationné. "Le premier m’a ordonné de me taire, pendant que le second m’a attrapé par le cou puis par le pied. On aurait dit qu’ils voulaient m’emmener ; mais comme je résistais, ils m’ont tiré dessus au niveau de la cuisse et ils sont partis. Quand je suis parvenu à rattraper l’un d’entre eux, bien que blessé, je lui ai enlevé sa cagoule, ils m’ont tiré dessus à nouveau", a déclaré Feliciano Gutiérrez Suca à la presse. Le journaliste avait fait état, il y a un mois, d’une affaire de corruption de fonctionnaires de police de Juliaca par un groupe de trafiquants communément appelés "La Culebra" (la couleuvre). Grâce au versement de pots-de-vin, les trafiquants pouvaient emprunter la route passant par Juliaca en échappant à tout contrôle. A l’appui des rapports judiciaires, Feliciano Gutierrez Suca avait également rapporté plusieurs affaires d’irrégularités au sein de la police comme par exemple la falsification de certificats ou l’usage d’un véhicule de fonction pour des activités illicites. D’autres journalistes de chaînes de télévision auraient reçu des menaces après avoir relayé les informations divulguées par Feliciano Gutiérrez Suca. Au nom de la lutte contre le crime organisé et les unités résiduelles de la guérilla du Sentier lumineux, l’état d’urgence a été décrété depuis deux ans dans plusieurs régions (Ayacucho, Cusco, Huancavelica et Junín). Cet état d’urgence a été encore prolongé de soixante jours, le 6 novembre. Ces dispositions gouvernementales suspendent ou limitent plusieurs libertés fondamentales comme celle de se réunir ou de circuler. “Elles ne doivent pas pour autant affecter en conséquence le nécessaire travail d’investigation qui doit être mené sur un thème d’intérêt public aussi important que la criminalité et le trafic”, a conclu Reporters sans frontières. Lire également le rapport de Reporters sans frontières.
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Mise à jour le 20.01.2016