Un incendie détruit les médias de Jean-Pierre Bemba à Kinshasa : seule une enquête sérieuse permettra de lutter contre la rumeur et l'impunité

Reporters sans frontières exprime sa préoccupation après qu'un incendie a détruit, le 18 septembre 2006, les locaux et les studios de Canal Congo télévision (CCTV), Canal Kin télévision (CKTV) et Radio liberté Kinshasa (Ralik), brûlant au deuxième degré le directeur général de ces chaînes, Stéphane Kitutu. Ces médias appartiennent à Jean-Pierre Bemba, leader du Mouvement de libération du Congo (MLC) et rival du président sortant, Joseph Kabila, au deuxième tour de l'élection présidentielle. "Le climat de violence dans lequel évoluent les médias privés de Kinshasa connaît un nouvel incident grave. Une enquête sérieuse et transparente doit être menée pour en identifier la cause, que la population congolaise a le droit de connaître. Nous exprimons par ailleurs toute notre sympathie et nos voeux de prompt rétablissement à Stéphane Kitutu. Certes, nous avons déjà eu l'occasion de souligner le danger que représente, en période électorale et dans un contexte comme celui de la RDC, l'extrême politisation des médias. Mais rien ne serait plus désastreux pour l'avenir du processus démocratique que de laisser courir les rumeurs et les accusations sans preuves, ou de laisser impuni un nouveau crime contre la presse", a déclaré Reporters sans frontières. Le 18 septembre, vers 15h30 (14h30 GMT), un incendie s'est déclaré dans l'immeuble abritant les deux chaînes de télévision, la station de radio et le siège du MLC. L'incendie a été maîtrisé par des pompiers de la ville de Kinshasa vers 17h15 (16h15 GMT). Les journalistes et les techniciens interrogés sur le lieu du sinistre par Journaliste en Danger (JED), l'organisation partenaire de Reporters sans frontières dans le pays, font état d'“importants dégâts matériels” et de plusieurs blessés. Stéphane Kitutu, sérieusement brûlé, a été admis aux urgences dans un hôpital de Kinshasa. Il a ensuite été transferé vers l'Afrique du Sud pour y recevoir les soins appropriés. Un journaliste de CCTV, Marius Oleko, a déclaré à l'Agence France-Presse (AFP) que l'incendie avait débuté dans un studio d'enregistrement. Selon les témoignages recueillis par JED, les journalistes présents ont été surpris par une “détonation”, aussitôt suivie d'une “gigantesque flamme qui s'est vite répandue au troisième niveau de l'immeuble”. “Tout est parti d'un climatiseur qui a commencé à donner de la fumée puis une flamme”, a déclaré à l'AFP Kasongo Numbi, un député indépendant réputé proche du parti présidentiel, qui était venu enregistrer un droit de réponse sur le plateau de CCTV. Ce dernier, après avoir été évacué de l'immeuble, a été violemment pris à parti et battu par des militaires du MLC. Il est soigné dans une clinique pour une fracture à la jambe droite, des dents cassées et des contusions. Le secrétaire exécutif du MLC, Thomas Luhaka, a déclaré à l'AFP ignorer l'origine de l'incendie et attendre les résultats de l'enquête, à laquelle va participer la Mission de l'ONU (MONUC). Les deux télévisions ont cessé d'émettre depuis ce jour. Auparavant, leur signal avait été illégalement coupé, pendant 21 jours, par le ministère de l'Information, et n'avait été rétabli que le 11 septembre. Le 21 août, Reporters sans frontières avait écrit à Joseph Kabila et à Jean-Pierre Bemba, les deux candidats à l'élection présidentielle, pour les mettre en garde contre l'instrumentalisation des médias au service de “la haine, des armes et des criminels hurlant leurs ordres dans des micros”.
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Updated on 20.01.2016