Un discours historique d'Hillary Clinton

Reporters sans frontières salue le discours prononcé, le 21 janvier 2010 à Washington DC, par Hillary Clinton. La secrétaire d'Etat a affirmé très clairement le soutien des Etats-Unis à la liberté d'expression et d'opinion sur Internet et en fait une pierre angulaire de la diplomatie américaine. Elle a par ailleurs lancé un avertissement sans équivoque aux hackers qui visent les intérêts américains et appelé les entreprises américaines à se dresser contre la censure du Net. Evoquant le climat de dégradation générale de la liberté de circulation de l’information en ligne, la secrétaire d'Etat américaine a rappelé que les Etats-Unis sont le « berceau » d'Internet et ont la « responsabilité » de préserver cet « outil de développement économique et social ». Elle rappelle qu’Internet a permis de créer des « nouveaux espaces d'échanges d'idées » et de permettre l’« avancée de la démocratie ». Et d’ajouter : « Les Etats-Unis soutiennent un seul Internet, accessible à tous. » Reporters sans frontières se félicite de l'annonce de moyens supplémentaires pour soutenir des programmes qui permettent de développer l’accès à Internet et des outils de contournement de la censure. L'organisation a demandé à ce que l’aide de plusieurs dizaines de millions de dollars déjà allouée par les autorités américaines mais pas encore dépensée, soit notamment dirigée vers des groupes comme le Global Internet Freedom Consortium, qui ont permis à des millions d’internautes chinois et iraniens en particulier, d’avoir accès à des informations bloquées et de tenir le reste du monde au courant des graves événements qui se sont récemment produits dans leur pays. Hillary Clinton rend hommage dans son discours à ces « courageux journalistes citoyens en Iran qui continuent à utiliser les nouvelles technologies » pour nous informer. Reporters sans frontières accueille favorablement la volonté du gouvernement américain de réunir le mois prochain les principales entreprises du secteur de l'Internet pour aborder la question de la censure et de leur responsabilité vis-à-vis de leurs utilisateurs. La réactivation du Global Internet Task Force, ce forum organisé par le Département d'Etat et réunissant entreprises, ONGs et investisseurs, à laquelle a déjà participé Reporters sans frontières, représente une avancée positive seulement si les autorités ne se contentent pas, comme l'avait fait l'administration Bush à l'origine de ce forum, d'un effet d'annonce. Cette task force doit avoir les moyens et la volonté politique d'obtenir des résultats concrets. Hillary Clinton a incité les entreprises privées à prendre position pour la liberté sur le web en « prenant l'initiative de s'opposer aux exigences de censure et de surveillance de gouvernements étrangers ». Sa prise de position signale aux sociétés du secteur de l'Internet qu'elles ont le soutien du gouvernement en cas de bras de fer avec les autorités d'un pays répressif. Reporters sans frontières demande notamment aux entreprises Microsoft, Yahoo !, Cisco de tenir tête aux censeurs du web et de faire front commun pour faire reculer la censure dans les pays répressifs. Comparant la censure d'Internet et la mise en place de barrières virtuelles au Mur de Berlin, « un nouveau rideau de fer est en train de s'installer sur une grande partie du monde », Hillary Clinton n’a pas hésité à désigner plusieurs alliés traditionnels des Etats-Unis parmi les pays montrés du doigt pour censurer le web ou harceler leurs internautes et blogueurs : l'Arabie saoudite et l'Egypte. La secrétaire d'Etat a affirmé que la liberté d'expression avait ses limites et qu'il fallait combattre l'utilisation d'Internet à des fins de promotion de la haine, de pédopornographie, de recrutement de terroristes et de vol de propriété intellectuelle. Mais que ces défis « ne doivent pas devenir pas une excuse utilisée par les autorités pour violer systématiquement les droits et la vie privée de ceux qui utilisent le Net à des fins pacifistes ». Ce discours intervient en pleine polémique entre la Chine et la compagnie américaine Google, qui a annoncé le 12 janvier dernier avoir décidé de cesser de censurer les résultats de son moteur de recherche en chinois, quitte à devoir se retirer du marché. Une décision prise après que des dizaines de militants des droits de l'homme et journalistes ont vu leurs comptes Gmail attaqués par des pirates. Hillary Clinton a condamné sans appel ces cyberattaques, dont ont été récemment victimes plusieurs entreprises américaines : « Les pays ou individus qui sont impliqués dans les cyberattaques devraient avoir des comptes à rendre et faire les frais d'une condamnation de la communauté internationale. » En précisant que « nous allons demander aux autorités chinoises de conduire une enquête approfondie sur les attaques dont Google a été la cible ». La secrétaire d’Etat a réclamé que les résultats soient rendus public de manière transparente. Reporters sans frontières demande que le FBI se penche particulièrement sur les attaques dont ont été victimes les militants des droits de l’homme qui critiquent les autorités chinoises et les médias en ligne qui traitent de sujets sensibles. Début septembre 2009, des attaques massives DDOS ont été portées contre le site indépendant d’information chinois Boxun.com, basé aux Etats-Unis. Le site en chinois de Reporters sans frontières, hébergé par Boxun, a été bloqué plusieurs jours à l’issue de ces attaques. Le gouvernement chinois a réagi vivement à ce discours. D’après l’Agence France-Presse, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré : « Nous nous opposons fermement à ces déclarations et actes qui vont à l'encontre des faits et sont préjudiciables aux relations sino-américaines. » « L'internet chinois est ouvert, la Chine est également un pays où le développement de l'internet est très actif ». Il a ajouté que la Constitution chinoise protégeait la liberté d’expression et que « le développement de l'internet est une politique constante pour nous ». Reporters sans frontières rappelle que la Chine a mis en place le système de censure et de surveillance d’Internet le plus sophistiqué au monde. Certes, les autorités chinoises ont soutenu le développement d’Internet à des fins économiques, mais tout en assurant en parallèle un contrôle drastique de son contenu politique et historique, et en diffusant largement leur propre propagande sur la Toile.
Publié le
Updated on 20.01.2016