Un animateur populaire arrêté

Le journaliste ouzbek Khayroullo Khamidov, commentateur sportif, poète et animateur d'une émission de radio très populaire, a été arrêté hier matin. Accusé de faire partie d'une organisation religieuse interdite, il doit comparaître dès demain devant un tribunal de Tachkent (capitale). "La précipitation des autorités est hautement suspecte, au vu de leur propension à désigner tous les opposants et militants de la société civile comme des 'extrémistes', a réagit Reporters sans frontières. Deux semaines après que cinq journalistes indépendants ont été convoqués par le parquet pour rendre des comptes sur leurs activités professionnelles, le gouvernement autocratique d'Islam Karimov poursuit son offensive sans craindre de réactions de la communauté internationale." La police est intervenue au petit matin, jeudi 21 janvier, pour arrêter le journaliste et fouiller de fond en comble son domicile, emportant ses livres et ses disques, ainsi que son ordinateur. Selon les dernières informations communiquées par sa famille, il se trouverait actuellement dans un centre de détention temporaire de Tachkent. Sa famille serait parvenue à remplacer l'avocat commis d'office par l'Etat par un juriste plus indépendant. Inculpé en vertu de l'article 216 du code pénal ("organisation ou participation active à un mouvement social ou religieux interdit"), Khayroullo Khamidov encourt jusqu'à cinq ans de prison. Dans son émission "Kholislik sari" ("La voie de l'impartialité"), diffusée sur la radio semi-privée Navruz et très suivie à travers le pays comme par les minorités ouzbèkes des pays voisins, le journaliste prêtait l'oreille à des auditeurs en détresse et tentait de les conseiller en se fondant sur les valeurs islamiques traditionnelles. Ce faisant, Khayroullo Khamidov laissait apparaître des réalités largement occultées par l'information officielle : problèmes de santé publique, corruption, prostitution, crise sociale et morale… Des enregistrements de cette émission se vendent sur tous les marchés de la région, et se retrouvent jusque sur des téléphones portables au Tadjikistan. Sous pression du ministère de la Presse et de l'Information, le journaliste avait déjà été obligé de quitter la télévision, où il animait une émission similaire, puis de fermer son journal Odamlar Orasida. Cependant, selon des collègues contactés par Reporters sans frontières, "Kholislik sari" n'était pas une émission prosélyte ou de propagande religieuse. En parallèle, Khayroullo Khamidov tenait également des chroniques sur le football dans les journaux sportifs Interfootball et Champion. "Alors que la liberté de la presse est constamment violée en Ouzbékistan et qu'au moins dix journalistes sont emprisonnés, la répression continue de se durcir et la décision de l'Union européenne de lever les dernières sanctions contre lui, il y a trois mois, semble renforcer le sentiment d'impunité du régime d'Islam Karimov", a poursuivi l'organisation de défense de la liberté de la presse. "L'arrestation de Khayroullo Khamidov semble confirmer que refléter les problèmes de la société ouzbèke suffit pour s'attirer les foudres d'autorités paranoïaques." Ainsi, la documentariste Umida Akhmedova est actuellement poursuivie pour "calomnie" et "insulte envers le peuple ouzbek", suite à ses reportages et photographies sur la condition des femmes et la pauvreté. (Photo : vof.kg)
Publié le
Updated on 20.01.2016