TVi sous surveillance?

Reporters sans frontières exprime sa vive inquiétude quant à la situation de la télévision TVi qui ferait l’objet d’une surveillance des services secrets. Comme en témoigne la vidéo tournée par Roman Skrypin, une voiture stationne devant les locaux de la télévision et surveille les faits et gestes des employés. Le directeur général de TVi, Mykola Knyazhytsky, dénonce cette surveillance qu’il impute au SBU (services secrets), dans une déclaration publique adressée au président de la République Viktor Ianukovitch, au procureur général Oleksander Medvedko ainsi qu’au ministre de l’Intérieur Anatoli Mohyliov. Mykola Knyazhytsky condamne le fait que des inconnus suivent ses mouvements. La vidéo, tournée le 14 juin, montre une voiture (avec une fausse plaque d’immatriculation) et trois de ses occupants. Se dirigeant vers eux, Roman Skrypin les interroge sur leur présence devant la télévision, tandis qu’ils se cachent le visage et fuient les questions. Après l’intervention du journaliste, la voiture s’en va rapidement, brûlant un feu rouge… L’organisation de défense des journalistes déplore ces pressions indignes d’un pays comme l’Ukraine. Par ailleurs, Reporters sans frontières tient à exprimer sa surprise quant au report de la création d’une commission ad hoc pour enquêter sur les cas de censure. Alors que cette création avait été annoncée, le Parlement vient de la remettre à plus tard. Etant donné la gravité des accusations portées, Reporters sans frontière ne comprend pas l’objectif poursuivi par les parlementaires. Cette décision ne peut que renforcer les soupçons qui pèsent sur la classe politique. Suite à la décision du tribunal d’annuler le partage des fréquences entre les chaînes de télévision, les sociétés NBM et Express-Inform (propritétaires de TV5 Kanal) ont interjeté appel devant la Cour administrative de Kiev. TVi a, elle, intenté un procès contre le décret présidentiel 644/2010 relatif à la nomination de Valery Khoroshkovsky à la Cour suprême de justice d'Ukraine. ------------------------------------------- 10.06.2010 : Les journalistes réagissent Reporters sans frontières dénonce la situation dans laquelle se trouvent, depuis quelques semaines, les télévisions TV5 Kanal et TVi. Considérées comme des télévisions de l’opposition (particulièrement TVi qui invite régulièrement à l’antenne des experts indépendants ou des figures de l’opposition critiquant ouvertement le pouvoir en place), elles viennent de se voir retirer leur licence de diffusion. Lundi 7 juin 2010, les journalistes de TV5 Kanal ont rédigé et rendu publique une lettre ouverte au président Viktor Ianukovitch, dans laquelle ils dénoncent des pressions de la part des services secrets (SBU). Ils craignent une disparition progressive de leur télévision et appellent au respect de la Constitution. Ils souhaiteraient rencontrer le Président afin d’entendre sa position. Le tribunal de Kiev a été saisi par le groupe Inter, réclamant une annulation des résultats de la distribution de janvier. Lors d’un partage des fréquences télévisuelles, le 27 janvier dernier, la télévision TV5 Kanal a obtenu 26 fréquences, TVi 33, et le groupe Inter n’en n’a, lui, obtenu que 20, ce qui a provoqué son mécontentement. La décision a été rendue le 8 juin : la distribution de fréquences est annulée, et TV 5 Kanal, ainsi que TVi, perdent leur licence. Ce que craignait TV5 Kanal dans la lettre ouverte de la veille. Le 9 juin, les deux télévisions ont organisé une conférence de presse conjointe. Les journalistes exigent qu’une commission parlementaire indépendante soit créée pour enquêter sur Valery Khoroshkovsky, qui représente plusieurs intérêts contradictoires et surtout incompatibles. Valery Khoroshkovsky est à la tête du SBU (services secrets ukrainiens), membre de la Cour suprême de justice, et propriétaire du groupe Inter, qui a engagé le procès. Ils réclament la suspension de Khoroshkovsky le temps de l’enquête. Par ailleurs, ils souhaitent qu’une supervision publique soit organisée au sujet du Conseil national de la télévision et de la radiodiffusion. Lors de la conférence, les journalistes ont également demandé que le système judiciaire ne soit plus utilisé pour éradiquer les médias du paysage ukrainien, ce qui est le cas, selon eux, depuis les dernières élections présidentielles. Reporters sans frontières soutient les télévisions qui dénoncent un conflit d’intérêts inédit et inacceptable, et qui réclament la démission de Khoroshkovsky de certaines de ses fonctions. Le cumul des mandats de Monsieur Khoroshkovsky est incompatible, dans un état de droit, avec les principes régissant la liberté d’expression et une régulation impartiale de la presse. De plus, nous rappelons que le Conseil national de la télévision et radiodiffusion se doit d’être impartial et préservé de toutes pressions extérieures. Mykola Knyazhytsky, directeur de TVi, et Ivan Adamchuk, directeur de TV5 Kanal, ont déclaré qu’ils feraient appel de la décision du tribunal. Le Conseil national de télévision et radiodiffusion a annoncé qu’une nouvelle distribution des fréquences aurait lieu, en toute transparence… ce qui ne veut pas dire sans pression politique… Ce conflit intervient alors que le président Ianukovitch fêtait, le 4 juin, ses 100 jours au pouvoir. A cette occasion, plusieurs dizaines de journalistes ont arboré des T-shirts portant le slogan «Stop à la censure» lors d'une conférence de presse. Les journalistes, membres du collectif «Stop à la censure» (dont font partie nombre de journalistes des télévisions TV5 Kanal et TVi) souhaitaient ainsi l'interpeller sur la situation que connaissent les médias ukrainiens depuis février 2010. Lorsqu'une journaliste a offert un de ces T-shirts au Président, celui-ci a assuré aux journalistes qu'ils avaient son soutien. Viktor Ianukovitch a aussi déclaré: « Personne ne fait ni ne fera pression sur vous. Je voudrais coopérer avec vous et que nous cherchions ensemble des voies pour déraciner les atteintes à la liberté de la presse.» Selon les personnes présentes sur place, le Président semblait s'attendre à cette manifestation ainsi qu'à devoir répondre à des questions sur la censure. Le Président a ajouté que s'ils avaient «des exemples concrets», il « était prêt à soutenir» le mouvement des journalistes. Une manifestation a également eu lieu à Kiev le 6 juin. Reporters sans frontières, qui se rendra courant juillet 2010 en Ukraine sur invitation du président de la République, reste préoccupée par la situation des médias dans le pays qui s’est fortement dégradée depuis l’élection de Viktor Ianukovitch en février 2010.
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Mise à jour le 20.01.2016