Trois journalistes turcs poursuivis pour "insulte à l'armée" : la Turquie trahit ses engagements auprès de l'Union européenne

Le tribunal pénal de première instance d'Istanbul a décidé, le 27 septembre 2002, d'inculper pour "insulte à l'armée" le rédacteur en chef de l'agence de presse Info-Türk, Dogan Ozgüden, le journaliste-écrivain free-lance Emin Karaca et l'éditeur de la revue Türkiye'de ve Avrupa'da Yazin, Mehmet Emin Sert. "Si ces journalistes sont condamnés pour insulte à l'armée, la Turquie trahira les engagements qu'elle a pris envers l'Union européenne", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, dans une lettre adressée à la ministre de la Justice, Aysel Celikel. "Les réformes démocratiques annoncées en faveur de la liberté de la presse doivent être mises en application. L'article 159 du code pénal turc condamnant les "insultes envers les institutions de l'Etat" ne doit plus permettre de poursuivre abusivement des journalistes", a-t-il ajouté. A l'occasion du 30e anniversaire de l'exécution de trois leaders du mouvement d'extrême gauche "jeunesse progressiste", Dogan Ozgüden et Emin Karaca avaient publié des articles dans le numéro d'avril 2002 de la revue Türkiye'de ve Avrupa'da Yazin, intitulés respectivement "Après 30 ans " et "Réminiscences de 30 ans". Ces articles mettaient en cause l'armée dans l'assassinat de plusieurs leaders de la "jeunesse progressiste" dans les années 60. Les journalistes sont poursuivis pour "insulte à l'armée", en vertu de l'article 159 du code pénal turc. Leur procès se tiendra à Istanbul le 26 novembre 2002. Un mandat d'arrêt a été lancé contre Dogan Ozgüden, qui vit en exil en Belgique depuis le coup d'Etat militaire de 1971. Reporters sans frontières rappelle qu'en 2001, plus de cinquante journalistes ont comparu devant les tribunaux turcs pour leurs écrits. Malgré les réformes démocratiques engagées dans la perspective de l'adhésion à l'Union européenne, l'année 2002 n'a pas vu d'amélioration significative de la situation. Quatre journalistes sont actuellement emprisonnés pour leur responsabilité dans la diffusion d'informations et de publications considérées par les autorités comme des menaces pour l'ordre public ou l'unité de l'Etat. Les journalistes osant aborder des sujets tabous comme le pouvoir de l'armée, le problème kurde ou les revendications islamistes sont constamment inquiétés.
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Updated on 20.01.2016