Trois journalistes contraints à l’exil interne suite à des menaces de mort

Reporters sans frontières est très préoccupée par le climat d’insécurité qui plane sur les journalistes communautaires en Colombie. Trois d’entre eux ont dû fuir leur ville à cause de menaces proférées par les différents groupes armés qui agissent dans le pays. Dionisia Morales, animatrice de la radio communautaire Briceño Estéreo à Briceño dans le département d’Antioquia (Nord – Ouest), a été menacée de mort le 14 avril 2012. La journaliste a reçu des appels et des messages sur son téléphone portable de la part d’un membre des Autodefensas Gaitanistas de Colombia. Son interlocuteur lui a donné l’ordre de quitter la ville immédiatement. Elle se trouve maintenant à Medellín, capitale du département. Son mari Edilberto Agudelo, directeur de cette même radio, avait lui aussi dû quitter Briceño le 13 décembre 2011 après avoir reçu des menaces. Le journaliste avait été intimidé après avoir fait des révélations sur les relations entre les bandes criminelles et les fonctionnaires publics dans cette zone. À la suite de cet incident, la radio avait arrêté de couvrir les informations politiques. Pour cette raison, Dionisia Morales a dit ne pas comprendre les motifs de ces nouvelles menaces. À Roncevalles dans le département du Tolima (Centre – Ouest), l’animateur de la radio communautaire La Voz de la Tierra, Jesús Antonio Pareja, âgé de 52 ans, a été menacé de mort par les Forces armées révolutionnaires de la Colombie (FARC). Le journaliste a reçu un appel le 9 avril 2012 de la part d’un membre du groupe armé, qui lui a annoncé qu’il était devenu une cible pour eux, en argumentant que la radio présentait des publicités de l’armée et des entreprises hydroélectriques, et faisait la promotion de la nouvelle Loi de restitution des terres. Après avoir travaillé 13 ans dans cette radio, Pareja a dû quitter sa ville pour la capitale du département le 10 avril. Le directeur de La Voz de la Tierra, Luis Alberto Cardona, a expliqué à la Fondation pour la Liberté de Presse en Colombie (FLIP), que le travail principal des émissions de ce média consiste à apporter un soutien scolaire aux écoliers de la région. Quelques jours auparavant, ils avaient publié une information sur la Loi de restitution des terres. « Nous déplorons les menaces contre Dionisia, Edilberto et Jesús Antonio, et l’exil forcé auquel ils ont été contraints. Ces cas montrent les difficultés que subissent les journalistes des radios communautaires et régionales en Colombie, face aux actions des groupes armés agissant dans le pays. Nous demandons aux autorités une protection conséquente pour ces trois journalistes empêchés de réaliser leur métier. Un exil représente toujours une menace à la liberté de la presse. La Colombie est, sur le continent, le pays qui compte le plus de journalistes exilés à l’étranger ou dans une autre région. », a déclaré Reporters sans frontières. Les groupes paramilitaires de Autodefensas figurent dans la liste des prédateurs de la liberté de presse publiée par Reporters sans frontières, comme l’une des menaces plus importantes du continent pour les journalistes. Une diffusion du film Impunity, une œuvre majeure sur le fléau du paramilitarisme, coréalisé par le cinéaste Juan Lozano et le journaliste Hollman Morris, a déjà au lieu à Paris le 23 avril 2012. Juan Lozano, qui a lui-même reçu des menaces pendant la réalisation du film, a expliqué à Reporters sans frontières l’amélioration de la situation de sécurité dans les grandes villes colombiennes pour les journalistes, réalité qui s’accompagne par contre d’une dégradation de la situation dans les villes éloignées. Il a souligné l’importance de continuer à être vigilant dans les ces zones-là. « Ce sont surtout les journalistes des radios régionales et communautaires qui sont en danger dans les villages colombiens », a-t-il déclaré à Reporters sans frontières. Les projections du film suivies d’un débat, où sera présent Lozano, auront lieu à Paris le 25 avril à 20h15 au cinéma l’Espace Saint-Michel, le jeudi 26 avril à 20h00 au cinéma les 7 Parnassiens et le lundi 30 avril à 20h15 au cinéma l’Espace Saint-Michel. (bande-annonce sous-titrée en anglais)