Trois chaînes de télévision suspendues pendant 24 heures pour “incitation à la violence” : Reporters sans frontières félicite la Haute autorité des médias pour ces sanctions modérées

La Haute autorité des médias (HAM) a décidé, le 16 août, de suspendre pour une durée de 24 heures, la première chaîne de la Radio télévision nationale congolaise (RTNC1, publique), et deux chaînes de télévision locales, la Radio télévision armée de l'Eternel (RTAE, privée, pro-gouvernementale) et Canal Congo télévision (CCTV, privée, opposition). Ces médias ont incité ”les forces de l'ordre et la population à la vengeance” par la “diffusion répétée d'images choquantes à forte charge émotionnelle”. “Face à des médias qui préparent les résultats des élections nationales en chauffant les supporters des deux candidats, la réponse de la HAM est mesurée et créative. Il est rare que Reporters sans frontières se félicite de la fermeture, même temporaire, de médias, mais les dangereuses tendances de certaines télévisions congolaises à jeter de l'huile sur le feu oblige parfois à des sanctions modérées. Nous appelons une nouvelle fois la communauté journalistique congolaise à respecter scrupuleusement les principes de la déontologie à la veille de la proclamation des résultats électoraux », a déclaré Reporters sans frontières. Les trois chaînes se sont pliées à l'interdiction d'émission. “CCTV et RTAE ont coupé leurs signaux à 5 heures (4 heures GMT) le 17 août et la RTNC1 a finalement respecté la mesure vers 8 heures 30 (7 heures 30 GMT)”, a déclaré Modeste Mutinga, président de la HAM, à l'AFP. Il a également dénoncé “la politisation excessive des médias” locaux et déploré le non-respect par les professionnels des médias du code d'éthique et de déontologie. “Tout le monde ici est d'accord avec cette décision de la HAM, qui a très bien su cibler les médias fautifs”, a déclaré Donat M'Baya Tshimanga, le président de Journaliste en danger, joint par Reporters sans frontières. “Depuis quelques semaines, ces chaînes diffusaient en boucle des images d'horreurs attribuées aux partisans des deux principaux opposants à l'élection présidentielle, Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba, avec l'intention évidente de préparer le terrain à l'affrontement, à quelques jours de la proclamation des résultats provisoires.” La RTNC1 et la RTAE, appartenant respectivement à l'Etat et au pasteur Sony Kafuta, proche du président sortant, ont diffusé, de manière répétée, des images de policiers lynchés et brûlés lors des manifestations du 27 juillet, en marge d'un meeting électoral du vice-président et candidat Jean-Pierre Bemba. CCTV, propriété de ce dernier, avait riposté en montrant les images du bombardement par les forces gouvernementales des populations de la province de l'Equateur, lors de la guerre de 1998, et de jet de grenades lacrymogènes sur des partisans d'un parti d'opposition par la Police nationale lors des obsèques du journaliste Bapuwa Mwamba, en juillet. Le représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU en République démocratique du Congo, William Lacey Swing, a par ailleurs fait part de sa profonde préoccupation concernant les messages de haine diffusés dans certains médias locaux, appelant la population à se venger “des blancs et des étrangers”.
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Mise à jour le 20.01.2016