Trente-huit médias suspendus par le gouvernement : Reporters sans frontières dénonce une décision bâclée et dangereuse

Reporters sans frontières dénonce la décision bâclée du ministre de l'Information, de la Presse et de la Communication congolais, Toussaint Tshilombo Send, réduisant au silence quatre radios associatives de Kinshasa et mettant en péril l'existence de deux cents autres disséminées dans le pays. "Nous ne sommes pas convaincus par les arguments avancés par le gouvernement pour prendre cette décision abrupte. Mal documenté, politiquement suspect et pris dans la précipitation, l'arrêté ministériel est dangereux et injuste pour les radios communautaires congolaises, qui jouent pourtant un rôle important pour l'information des populations des provinces. Réglementer le secteur est une chose, mais rendre impossible la survie de ces petits médias est absurde. Le ministre doit comprendre qu'il risque de priver la République démocratique du Congo d'un atout précieux pour son développement et la réussite des réformes engagées", a déclaré l'organisation. Au cours d'une conférence de presse tenue le 20 octobre 2007 à Kinshasa, Toussaint Tshilombo Send a annoncé l'interdiction de la diffusion d'une vingtaine de chaînes de télévision et de radios en raison du fait que ces médias ne seraient prétendument pas en règle. "Cette mesure vise à assainir l'espace médiatique en République démocratique du Congo pour laisser place aux véritables professionnels", a déclaré le ministre, cité par radiookapi.net. Le ministère estime que les médias visés ne diposent pas de licence d'exploitation régulière, de récépissé ou de preuves du paiement des taxes dues au gouvernement. Parmi les chaînes et stations qui ont vu leur signal coupé à la suite de cette décision figurent les chaînes privées CCTV et Canal Kin Television (appartenant à l'opposant Jean-Pierre Bemba), Molière TV, Horizons 33, Mirador et Numerica TV, ainsi que quatre radios associatives émettant à Kinshasa, Radio Elykia, Radio Lisanga, Réveil FM et Ralik (appartenant également à Jean-Pierre Bemba). Depuis, certaines d'entre elles ont produit les preuves de leur conformité à la loi et, notamment, d'un échéancier négocié avec la Direction générale des recettes administratives et domaniales (DGRD). Elles ont repris leurs émissions le 24 octobre. Un vide juridique entoure le statut des radios associatives, qui, sans aucune aide de l'Etat, ont joué un rôle déterminant dans l'information des populations sur le processus de transition et les différentes échéances électorales qu'a connues la RDC ces dernières années. Dans un communiqué diffusé le 24 octobre, la Fédération des radios de proximité du Congo (FRPC) a rappelé que le ministère exigeait 5000 dollars pour la délivrance d'un récépissé et 2500 dollars pour une licence d'exploitation, des sommes impossibles à réunir pour des stations associatives émettant dans des zones reculées du pays. Elle a également expliqué, à juste titre, que la définition de leur statut n'est pas prévue par la loi du 22 juin 1996, encadrant uniquement "la radiodiffusion sonore et télévisée, publique et privée à vocation commerciale", ce qui n'inclut pas les radios communautaires. La FRPC a demandé au ministre de surseoir à sa décision en attendant l'adoption d'une nouvelle loi réglementant le secteur, actuellement en préparation. Un atelier sur la réforme du secteur s'est tenu début 2007 à Kinshasa, sous l'autorité du ministère de l'Information, de la Presse et de la Communication, au cours duquel des propositions ont été formulées. Mais ces travaux n'ont pour l'instant connu aucune suite législative.
Publié le
Updated on 20.01.2016