Suspension des poursuites judiciaires contre Mohamed Al-Maqalih

Reporters sans frontières se félicite de la décision des autorités yéménites de suspendre les poursuites judiciaires contre le journaliste d’opposition Mohamed Al-Maqalih, le 21 mai 2010. Reporters sans frontières rappelle que le 22 mai, le Yémen fêtera le 20ème anniversaire de sa réunification. ------------- 20.04.10 Une cascade d’affaires vise les médias yéménites Reporters sans frontières dénonce avec force la dégradation de la situation de la liberté de la presse au Yémen depuis le début du deuxième semestre 2009. « Ce qui se passe au Yémen aujourd’hui est très grave. La situation des médias empire de jour en jour. Les affaires se multiplient. Il est urgent que la communauté internationale intervienne », a déclaré l’organisation.

Al-Maqalih face à la justice

Le 18 avril 2010, le procès du journaliste Mohamed Al-Maqalih a été reporté. Ce rédacteur en chef du site d’informations du Parti socialiste d’opposition, Al-Eshteraki, est connu pour ses prises de position critiques à l’égard du gouvernement de Ali Abdullah Saleh. Mohamed Al-Maqalih a été enlevé par cinq hommes armés et masqués, dans la nuit au 17 au 18 septembre 2009, alors qu’il rentrait à son domicile à Sanaa (http://www.rsf.org/Enlevement-d-un-... ). La semaine précédente, Mohamed Al-Maqalih avait posté sur le site du Parti un article dénonçant les tirs de l’aviation yéménite sur des civils, contraints de fuir la région de Saada où se déroulent d’intenses combats entre l’armée et la rébellion séparatiste zaïdiste. Pendant près de quatre mois, les autorités ont nié avoir une quelconque responsabilité dans l’enlèvement du journaliste. Détenu au secret pendant plus de 100 jours, il a été présenté devant le procureur de la Cour pénale spéciale de Sanaa le 3 février 2010. Au cours de cette audience, il a déclaré avoir été torturé et privé de nourriture pendant plusieurs jours. Le journaliste a été admis le 24 mars dans un hôpital de Sanaa pour y recevoir des soins, avant d’être libéré le lendemain pour des « raisons humanitaires et de santé » (http://fr.rsf.org/yemen-liberation-de-deux-journalistes-25-03-2010,36834.html). Son procès s’est ouvert le 17 avril 2010 à Sanaa, devant le tribunal de la sécurité de l’Etat, pour soutien aux Houthis et contact avec leur chef, Abdul-Malik Al-Houthi. Le 18 avril, il était jugé devant le tribunal spécialisé dans les délits de presse, créé en 2009, pour insulte au président de la République, suite à la publication d’un article d’opinion en 2005 dans le journal Al-Thaouri, sur la promesse du président Ali Abdallah Saleh de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de 2006. Le même tribunal attend de juger l’ancien directeur de publication du journal Al-Thaouri, Khaled Suleiman, qui a demandé l’asile politique au Royaume-Uni il y a trois ans. Le 17 avril, devant le tribunal de première instance, Al-Maqalih a demandé au juge de se prononcer sur son enlèvement par des ravisseurs appartenant aux services de sécurité. Mais le juge a refusé d’enregistrer la plainte du journaliste, lui disant qu’il pouvait toujours porter plainte auprès de la Cour pénale des Nations unies. Le 18 avril, le juge a reporté le procès à une date indéterminée.

Des procès en cascades

Le 18 avril 2010, s’est ouvert à Lahij (45 km au nord d’Aden) le jugement en appel du journaliste, Anis Ahmed Mansour Hamida, correspondant à Aden du journal Al-Ayyam. Il avait été condamné, le 15 juillet 2009, en première instance, à quatorze mois de prison ferme pour “atteinte à l’unité nationale“ et “séparatisme“, à l’issue d’un procès purement politique. Le 18 avril, le journaliste Ahmad Al-Asdi, directeur de publication du journal Itijahat, et son adjoint Mahfouz Al-Ba’ithimi’ ont été condamnés à des peines de prison avec sursis. Le ministère de l’Information avait porté plainte suite à la publication d’un article sur l’opposition saoudienne, dans le numéro 49/50 du journal. Le 17 avril, le tribunal en charge de juger les affaires de presse et de publications a condamné Khaled Abdel Hadi, journaliste pour le site d’informations du Parti socialiste d’opposition, Al-Eshteraki, à une amende de 30 000 rials (108 euros) (10 000 rials à la trésorerie nationale et 20 000 pour le plaignant). Le journaliste avait publié un article, le 9 février 2009 (http://www.aleshteraki.net/news_details.php?lng=arabic&sid=5317) sur un sit-in des habitants de la province de Lahij qui demandaient la démission du juge Abdelmalek Al-‘Arshi. Le 2 mai 2010 s’ouvrira le procès contre l’hebdomadaire Al-Nida. Shafi’ Al-Abd, journaliste pour Al-Nida, arrêté le 24 décembre 2009 par la Sûreté nationale d’Aden, a été libéré le 27 janvier 2010 de la prison de Khor Maksar dans la province d’Aden. Le journaliste était accusé d’avoir formé un parti politique hostile à la "sécurité et à l’unité nationale". Ce procès fait suite à la plainte déposée en décembre 2009 par le ministre de l’Information, suite à la publication d’informations qualifiées de fausses et considérées comme incitant à la violence. Le rédacteur en chef Sami Ghaleb ainsi que trois autres journalistes (Abdel Aziz Al-Majidi, Mayfa’ Abdel Rahman et Fouad Mas’ad) avaient été interrogés sur le mouvement Al-Herak et sur d’autres articles considérés, par le ministre, comme dangereux pour l’unité nationale et la démocratie. Le 24 mai prochain s’ouvrira le procès de Fouad Rashid, directeur de publication du site Al-Mukalla Press, arrêté le 4 mai 2009, incarcéré à la prison centrale de Sanaa. Seront également jugés ce jour-là au cours de ce même procès le journaliste Salah Al-Saqladi et le militant Ahmed Al-Rabizi. Salah Al-Saqladi, directeur du site Adengulf-website, a été arrêté le 18 juin 2009 à son domicile à Aden. Interrogé par les services de renseignements à Aden, il a été transféré, le 22 juin, à la prison de sécurité à Sanaa où il avait été privé de la visite des militants des droits de l’homme et des représentants du Syndicat des journalistes, avant d’être transféré, le 17 février 2010, à la prison centrale de Sanaa, où il est actuellement en attente de son procès. Le militant Ahmed Al-Rabizi a été arrêté par les forces de sécurité à Aden le 12 mai 2009.

Condamnations passées

Le 16 janvier 2010, le tribunal de Sanaa en charge de juger des affaires de presse et de publications a condamné la journaliste Anissah Mohammed Ali Othman à trois mois de prison ferme et à un an d’interdiction d’exercer sa profession de journaliste, pour “insulte au président de la République” suite à la publication, en juillet 2007, de deux articles dans l’hebdomadaire Al-Wassat (numéros 155 et 156). Le rédacteur en chef du journal, Jamal Amer, s’est vu infliger une amende de 10 000 rials (34 euros). Les deux articles incriminés, intitulés “Intimidation des enfants sur ordre du Président” et “Pouvoir : un monstre s’en prend aux impuissants, telle une souris aveugle contre ses ennemis”, avaient été écrits en solidarité avec le journaliste yéménite Abdulkarim Al-Khaiwani, alors emprisonné (http://fr.rsf.org/yemen-une-journaliste-condamnee-a-trois-18-01-2010,36127.html). Le 16 janvier 2010, Moaz Al-Ashhabi a été condamné à un an de prison ferme et à un an d’interdiction d’exercer sa profession pour “falsification du Coran”, suite à la publication, le 7 octobre 2009, d’une tribune dans l’hebdomadaire Al-Thaqafa (La Culture). Son article intitulé « Ils ont corrigé le Coran », publié dans le numéro 503 de l’hebdomadaire Al-Thaqafa (édité par la fondation Al-Jumhurriya, La République), fait référence aux débats sur la vocalisation du Coran qui agite les milieux religieux du Yémen. (http://fr.rsf.org/yemen-un-journaliste-condamne-pour-19-01-2010,36180.html). Il est actuellement incarcéré à la prison centrale de Sanaa.

Suspensions de journaux et confiscation de matériels

Depuis le 3 avril 2010, l’hebdomadaire indépendant Al-Watani a été interdit de publication par le ministre de l’Information, Hassan Al-Lawzi. Ce dernier a demandé aux imprimeries de ne plus publier le magazine suite à la couverture des festivals Al-Herak (mouvement d’indépendance dans le sud de Yémen) et à la publication d’un article de la journaliste Samia Al-Aghbari, jugé diffamant à l’égard du président Ali Abdallah Saleh. C’est la neuvième fois que le journal est interdit de publication depuis la campagne de sécurité sur la liberté de la presse qui date de mai 2009. Cinq journalistes du magazine sont interpellés pour des publications portant atteinte au prestige de l’Etat et l’affaiblissement du sentiment national. Le 11 mars 2010, les autorités yéménites ont saisi les appareils de transmission de deux chaînes d’information satellitaires arabes, Al-Arabiya et Al-Jazeera, accusées de manque de neutralité dans la couverture du mouvement de protestation dans le sud du pays. Il est clair que le pouvoir veut se débarrasser de tous les témoins potentiels (http://fr.rsf.org/yemen-confiscation-du-materiel-de-15-03-2010,36732.html). Depuis le 4 mai 2009, le ministre de l’Information a interdit, au nom du principe d’“unité nationale du pays”, l’impression de huit journaux indépendants accusés de “séparatisme”. Sont concernés sept hebdomadaires et le quotidien Al-Ayyam.

Arrestations arbitraires

Hisham Bashraheel, fondateur et propriétaire du quotidien Al-Ayyam, arrêté le 6 janvier 2010 au lendemain d’un siège de vingt-quatre heures de son journal par les forces de l’ordre à Aden, a été libéré le 24 mars 2010, pour des raisons médicales. Un de ses fils, Hani Bashraheel, rédacteur en chef, avait également été arrêté en même temps. Un autre fils de Hisham Bashraheel, Mohammed Hisham Bashraheel, avait été arrêté la veille. Hani Bashraheel et Mohammed Bashraheel sont toujours détenus. Le 27 décembre 2009, les forces de sécurité ont arrêté Khalid Jahafi, journaliste du site d’informations de l’opposition Alsahwa.net, alors qu’il photographiait des affrontements entre des policiers et des partisans des indépendantistes du Sud. Il a été frappé sur ordre du chef de la Direction de la Sûreté nationale, Alaa Mohammed Al-Azraqi. On est depuis sans nouvelles de lui. Agé de 38 ans, maître de conférences au département de l’Education de la ville d’Al-Dhalli’ (200 km au sud de Sanaa), Khalid Jahafi est également un collaborateur de la chaîne Al-Jazeera. Il y a deux mois, les forces de sécurité avaient tenté de prendre d’assaut le département de l’Education pour l’arrêter, mais en vain. Il a été libéré le 1er février 2010. Aucune charge n’a été retenue contre lui. Iyyad Ghanem, étudiant à la faculté d’information, arrêté le 2 juillet 2009 pour avoir filmé un rassemblement de partisans des groupes rebelles sudistes, dans la ville de Korsh, a été libéré en mars 2010.

Un projet de loi inquiétant

Par ailleurs, l’assemblée parlementaire examine actuellement le projet de loi sur la presse, présenté en 2005 par le Congrès général du peuple (parti actuellement au pouvoir), afin de remplacer la loi actuellement en vigueur qui remonte à 1990. Dans une déclaration pour le site d’informations As-Sawa Net, Saeed Thabet, porte-parole du Syndicat des journalistes yéménites, estime que ce projet de loi est « autoritaire, et pire que la loi actuellement en vigueur ». Si ce projet de loi venait à être adopté, cela renverrait la presse à une situation connue dans les années 70 -80. Reporters sans frontières, qui a déposé une demande de visa le 18 février 2010 pour se rendre en mission au Yémen, n’a toujours pas obtenu de réponse.
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Mise à jour le 20.01.2016