Six radios et deux chaînes de télévision fermées en deux semaines

Après cinquante-neuf ans de présence sur les grandes ondes, la station Radio Cosmopolita La Pantera 960 AM, a été fermée et ses équipements confisqués, le 11 juin 2012 à Quito, par l’intendant de police de la province de Pichincha, Fausto Velásquez, accompagné de quinze fonctionnaires de son service, ainsi que de représentants du ministère public et de la Superintendance des télécommunications (Supertel). Cette fermeture sanctionne officiellement les retards de paiement de la concession de fréquence accumulés par la station. Le même motif est invoqué dans quatre des sept autres cas de fermeture de médias constatés au cours de ces quinze derniers jours. Pour les représentants des radios et télévisions concernées, il s’agit avant tout de représailles d’ordre politique. Cette main basse sur les antennes suscite notre très vive préoccupation. La fermeture de Radio Cosmopolita a été suivie, le lendemain, de celles des radios RU Matriz Cadena Sur Ecuador 120 AM et K-Mil 89.5 FM, toutes deux basées dans la province d'El Oro. La première, pour “défaut de permis d'émettre”. La seconde, pour “fonctionnement non-conforme au contrat de concession”. Selon son propre bilan, la Supertel a procédé à 14 fermetures de médias depuis le début de l'année 2012. “Toutes les voies de recours légales n’ont pas été épuisées dans l’affaire Radio Cosmopolita comme dans d’autres, et cet élément suffit à rendre suspecte cette série d’actions contre des médias audiovisuels qui ne se limite pas à des retraits de fréquence, mais va jusqu’à la confiscation de matériel. Ces opérations sont, politiquement, du pire effet, alors qu’achoppe le débat sur une législation susceptible d’équilibrer le paysage médiatique. Nous avions déjà plaidé, dans ce contexte et à l’occasion d’autres fermetures de médias, pour une juste refonte du registre des fréquences et une réforme en profondeur du Conseil national des télécommunications (Conatel) et de la Supertel qui en dépend. Cette recommandation a été formulée, le 18 mai 2009, par un groupe d’experts internationaux consulté par le gouvernement. Pourquoi est-elle restée lettre morte ?”, s’est interrogée Reporters sans frontières. La Radio Cosmopolita de Quito avait fait l’objet d’une première fermeture pour les mêmes raisons, le 16 mai 2011, mais avait pu reprendre ses programmes à la suite d’un recours auprès de la Cour constitutionnelle. La juridiction suprême avait conclu que la fréquence octroyée à la station devait être maintenue jusqu’à décision du Tribunal contentieux administratif, compétent pour juger du litige de paiement de la concession. Cette dernière obligation n’a donc pas été respectée lors de l’opération du 11 juin. La direction de la radio, citée par l’organisation équatorienne de défense de la liberté d’expression Fundamedios voit en celle-ci une mesure de représailles après l’invitation de l’ancien chef de l’État Lucio Gutiérrez à l’antenne trois semaines plus tôt. A Ambato, dans la province de Tungurahua, la radio Net a subi un sort identique à celle de Quito et pour les mêmes motifs, le 6 juin dernier. Cette fois, cinquante policiers ont été mobilisés pour procéder à la réquisition du matériel de diffusion. Là encore, l’opération a été menée sans attendre l’issue de la procédure introduite devant le Tribunal contentieux administratif. La Supertel secondée par la police, avait déjà mené, le 24 mai, deux opérations du même type dans la région amazonienne de Napo contre la chaîne de télévision locale Lidervisión, sise à Tena, et contre Radio Líder, basée à Archidona. La veille, dans la province de Sucumbíos, la radio El Dorado, qui émettait depuis Nueva Loja, a reçu la même visite pour un arriéré de paiement estimé à 72 dollars. Sa direction a décidé de présenter un recours devant la Supertel. Dans tous les cas, les représentants des médias ont assuré n’avoir jamais reçu la moindre notification préalable d’un risque imminent de fermeture. Ce même 23 mai à Macas, dans la province de Morona Santiago, la chaîne régionale Telesangay a reçu la visite de cinquante policiers et de la Supertel. Le litige portait cette fois sur le non-respect par le média des délais d’installation et de mise en fonctionnement normalement prévus par la loi de radiodiffusion et télévision, ce que conteste Telesangay. Un avis du Conatel avait été adressé en ce sens au préfet de Morona Santiago, Marcelino Chumpi. Cependant, aucun document officiel n’a été présenté à la direction du média au moment de l’opération.
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Updated on 20.01.2016