Saodat Omonova et Malohat Echankoulova, à nouveau condamnées, entament une grève de la faim

Reporters sans frontières condamne vigoureusement la nouvelle interpellation de Saodat Omonova et Malohat Echankoulova, le 27 juin 2011. Après avoir organisé une petite manifestation et brandi des affiches pendant cinq minutes devant le bâtiment de l’administration présidentielle à Tachkent, les deux journalistes ont été emmenées au poste de police du quartier, puis directement au tribunal municipal. Elles ont été jugées et immédiatement condamnées pour « organisation d’une manifestation non autorisée » (article 201 du code civil). Devant cette triste comédie, elles viennent d’entamer une grève de la faim. « Saodat Omonova et Malohat Echankoulova sont confrontées depuis des mois à un véritable déni de justice. Le 27 juin est officiellement la Journée des professionnels des médias en Ouzbékistan. Les deux journalistes ont eu le tort de vouloir donner un contenu véritable à ces mots vides de sens, en se saisissant de l’occasion pour protester à nouveau contre la censure et la partialité de la justice », a déclaré Reporters sans frontières. L’histoire se répète pour les deux femmes, licenciées de la télévision publique Yochlar en décembre dernier après avoir manifesté contre la censure et la corruption qui y règnent. Dans un pays où l’ensemble des médias « autorisés » est contrôlé par l’Etat, cela place les journalistes dans une inactivité forcée : la privation de ressources est une mesure de rétorsion particulièrement efficace. Depuis, les manœuvres d’intimidation à leur endroit se sont succédé de manière inquiétante. Fin mai, au terme d’une instruction marquée par de grossières violations de procédures, elles ont perdu le procès qu’elles avaient intenté à leur ancien employeur pour « licenciement abusif ». La première audience avait été levée en raison de la présence jugée « illégale » d’un journaliste indépendant dans la salle. La dernière audience avait quant à elle été marquée par la disparition inexpliquée de l’avocat des plaignantes. Ce qui n’a pas empêché le jugement d’être prononcé. Saodat Omonova et Malohat Echankoulova ont fait appel de cette décision le 24 juin 2011. Mais elles viennent d’être condamnées aujourd’hui à une amende de près de 3 millions de soums (1220 €), qui va les plonger dans de nouvelles difficultés financières. « Nous avons demandé le report de l’audience jusqu’à ce que nous ayons un avocat et que nous prenions connaissance du procès-verbal de l’infraction, a raconté Saodat Omonova à Reporters sans frontières. Mais on nous a répondu qu’un avocat n’était pas nécessaire, qu’il n’y avait pas de temps pour cela, et que nous n’avions qu’à faire notre déposition ». Les journalistes devraient recevoir une copie du jugement dans les trois jours. Elles sont bien déterminées à faire appel. Cette parodie de justice est habituelle dans ce pays classé 163e sur 178 dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse, établi par l’organisation. Le harcèlement des journalistes indépendants y est constant et multiforme. Le traitement des journalistes de Yochlar est sans doute destiné à intimider leurs collègues des médias publics tentés de suivre leur exemple courageux, dans un pays où le pouvoir fait régulièrement taire les voix critiques par des peines d’emprisonnement et des mauvais traitements. Au moins onze journalistes sont actuellement derrière les barreaux dans le pays du fait de leur activité professionnelle.
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Updated on 20.01.2016