Ruine de l'ancien directeur de l'hebdomadaire la Realidad, Reporters sans frontières critique une décision de justice allant à l'encontre de la liberté d'expression

La situation difficile dans laquelle se trouve Patxi Ibarrondo, ancien directeur de La Realidad illustre le déséquilibre qui existe parfois entre la défense des droits des journalistes et celle de l'honneur des citoyens qui s‘estiment diffamés“, a déclaré Reporters sans frontières. Il est compréhensible qu'une action en justice puisse être intentée contre un média, mais il est tout aussi souhaitable qu'elle ne puisse pas se conclure par l'asphyxie financière d'un journal, sa fermeture et la ruine de son directeur, surtout lorsque tous les recours juridiques n'ont pas été épuisés. “Bien que la Loi de procédure civile (LEC) ait été réformée en 2003, sous la pression des représentants des médias, Patxi Ibarrondo continue de subir les sanctions prévues avant l'évolution de ce texte. Reporters sans frontières demande que ces dernières soient revues à la lumière de la nouvelle législation qui ne permet pas d'exiger le paiement d'indemnisations avant qu'une décision de justice ne soit définitive et sans possibilité de recours”, a précisé l'organisation de défense de la liberté de la presse. Le 28 décembre 2001, La Realidad a fermé ses portes et licencié ses trente employés. L'hebdomadaire n'a pas pu faire face à l'indemnisation qu'il a été condamné à verser au secrétaire général du Parti populaire de Cantabrie (Nord), Carlos Sáiz. Celui-ci avait attaqué le journal après la parution d'un article mentionnant un de ses voyages en Suisse. Le juge Laura Cuevas a considéré que l'article présupposait que lorsque quelqu'un se rend en Suisse, il le fait pour des affaires peu claires ou suspectes, ce qui entraînait un dommage moral pour Carlos Sáiz. La magistrate avait donc condamné La Realidad à verser 120 000 euros à l'homme politique - somme ramenée à 12 000 lors du procès en appel en 2002. En janvier 2007, pour s'assurer du paiement de la totalité de l'indemnisation, le même juge a ordonné que le compte bancaire de Patxi Ibarrondo soit prélevé chaque mois à hauteur de douze pourcent de sa pension d‘invalidité. En mai dernier, cette décision a été suivie par le gel de son compte en banque. Aujourd'hui, Patxi Ibarrondo doit encore s'acquitter d'une indemnisation de 15 000 euros pour des articles concernant le porte-parole du Parti Populaire au Parlement de Cantabrie, Francisco Rodriguez Argüeso. Le journaliste a été condamné pour avoir refusé de révéler qui était l'auteur des articles. Il craint que la justice n'ordonne son arrestation pour non-paiement des indemnisations. Patxi Ibarrondo souffre, depuis juillet 2004, de la maladie de Parkinson. Des experts médicaux ont conclu que l'”effort intense et prolongé” que le journaliste avait dû fournir au moment de la fermeture de La Realidad était responsable du développement de cette pathologie. Incapable de travailler, il reçoit une pension d‘invalidité d'un montant de 800 euros. Le journaliste n'a plus les moyens financiers de poursuivre son combat judiciaire. De plus, son avocat a cessé, sans préavis, de le défendre, alors que Patxi Ibarrondo devait se pourvoir en cassation devant la plus haute instance judiciaire du pays. Patxi Ibarrondo a 54 ans. Tout au long de sa carrière, il a travaillé pour El País, Diario 16, Cambio 16, La Hoja del Lunes, etc.
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Mise à jour le 20.01.2016