RSF dénonce la vague de violences contre les journalistes et les médias afghans

Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement la hausse des violences contre les journalistes et les médias en Afghanistan. La guerre imposée par les Talibans est la principale raison de l’insécurité dans le pays, mais il ne faut pas occulter la responsabilité des autorités locales, des forces militaires et de la police dans ce climat de peur auquel sont confrontés les journalistes.

RSF a appris avec tristesse la mort de Mohammad Yaqub Sharafat, journaliste pour la radio télévision nationale dans la ville de Qalât (province de Zabol). Ce journaliste de 23 ans, qui collaborait depuis deux ans avec le média public afghan, a été tué par balles dans sa voiture sur la chemin de son domicile, le 17 octobre 2016. Sa mort a été condamnée unanimement par les associations de journalistes comme par les autorités. Mirviass Norzai, le chef de la police de Zabol, a informé les médias de l’ouverture d'une enquête et de l’arrestation de deux suspects.

50
Agressions physiques et des menaces à l’encontre de journalistes

La hausse de l’insécurité dans plusieurs provinces du pays a augmenté les tensions entre les journalistes et les autorités locales. Nombre de gouverneurs ou de responsables locaux n'acceptent et ne respectent pas l'indépendance des journalistes. Reporters sans frontières a recensé au moins 50 agressions physiques et des menaces à l’encontre de journalistes perpétrées par les autorités locales et leurs gardes du corps, les membres des forces de police et les Taliban, dans plusieurs provinces du pays, de Mazâr-é Charif à Kandahar en passant par Hérat, Ghazni ou encore Kaboul.


La justice et les forces de l'ordre, souvent elles-mêmes sous influence des gouverneurs, agissent pour convoquer ou même punir les journalistes. Ahmad Wali Sarhad est l'une de leurs victimes. Journaliste free-lance et collaborateur du site Zabultimes, il a été harcelé pendant des mois par la police, après un mandat d'arrêt délivré par le parquet de la province de Zabol. Il a été convoqué après la publication d'un article sur la probable collaboration d'un responsable local du ministère des Transports avec les Taliban. Le journaliste a dénoncé l'influence du gouverneur dans cette affaire mais le bureau du gouverneur a démenti toute intervention.


Les forces de l’ordre et militaires sont également impliqués dans plusieurs cas de violence contre les journalistes. Le 29 août 2016, pendant la visite du président de la République au Bamiyan, une dizaine de journalistes ont été maltraités ou battus par les gardes du corps du président ou par les forces de l’ordre venus de Kaboul. Si certains d’entre eux étaient présents en tant que manifestants, d’autres ont été ciblés dans l’exercice de leur travail Le lendemain, le bureau du président Ashraf Ghani s’est excusé dans un communiqué de l’attitude des forces de l’ordre envers les journalistes et a promis une enquête sur ces violences. Jusqu'à ce jour, le résultat de l’enquête n'a pas été publié.


Dans la soirée du 11 au 12 octobre 2016, le siège de la radio Nassim, basée dans la ville de Nili, capitale de la province de Daykandi, a été attaqué par une bombe artisanale. Selon Mohammad Reza Vahedi, le directeur de la radio, les dégâts matériels sont considérables, mais personne n'a été blessé. Quelque heures avant attaque, le journaliste, lui-même, avait été frappé par deux inconnus devant son domicile. «Ils m'ont dit, fais attention quand tu parles à la radio, pense à ton enfant et ta femme», a-t-il déclaréà la police. Cette dernière a attendu le lendemain pour se déplacer et débuté une enquête.

Le 14 février 2013, Radio Nassim avait déjà été victime de la pression exercée par le gouverneur, le chef de la police et les responsables locaux du ministère de l’Information et de la Culture.


Les pourparlers avec les Taliban, condition préalable à la sécurité des journalistes


Selon plusieurs médias et notamment The Guardian, l’AFP et la Tolonews, deux séries de réunions se sont tenues entre les représentants du bureau politique des Taliban à Doha et le gouvernement afghan. Selon les mêmes sources, un haut diplomate américain aurait également pris part à ces réunions. RSF rappelle une nouvelle fois qu’il faut que l’Etat afghan et la communauté internationale exigent comme préalable à toute négociation avec les Talibans une déclaration et un engagement explicite à respecter les traités internationaux fondamentaux, à commencer par la Convention de Genève.


Le 2 octobre 2016, la première réunion du comité pour la sécurité des journalistes s'est tenue au palais présidentiel à Kaboul. Ce comité est composé de responsables d’État et d’associations de journalistes. Le comité a pour mission de mieux coordonner les efforts en faveur de la protection des journalistes dans le pays. Ce Comité a décidé de créer des sous-comités notamment pour les provinces.


RSF a accueilli et soutenu pleinement la création de ce comité. Cette organe était l’une des recommandations de l'organisation lors de la conférence sur «la sécurité des journalistes et la place de l’Afghanistan au Classement mondial de la liberté de la presse» organisée le 8 novembre 2015 à Kaboul, par RSF et AJSC (Comité pour la protection des journalistes afghans, branche locale d’International Media Support), avec la participation de plusieurs responsables d’État, des associations de journalistes et des médias afghans.


L’Afghanistan occupe la 120e place sur 180 dans le Classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2016.

Publié le
Updated on 24.10.2016