RSF dénonce la terreur des forces de sécurité kurdes contre la presse

RSF s’inquiète des nombreuses attaques contre les médias kurdes ces derniers jours. Alors que la région autonome du Kurdistan irakien traverse une grave crise politique, des médias sont fermés par les forces de sécurité kurdes, réduisant ainsi au silence les voix critiques du gouvernement.

Depuis le début du mois d’octobre, la région autonome du Kurdistan irakien est en proie à des manifestations, sur fond de crise politique autour de la succession du président, Massoud Barzani, en particulier dans la province de Suleimaniyeh (ville bastion de l’opposition). Les manifestations, pour réclamer le paiement des salaires des fonctionnaires puis la démission du président dont le mandat est arrivé à sa fin en août, se sont transformées en émeutes. Pour limiter la diffusion d’informations sur ces manifestations, plusieurs locaux de médias ont été attaqués par les forces de sécurité voire même par certains manifestants. Le réseau social Facebook a même été bloqué à Erbil pendant un jour, le 10 octobre.


RSF condamne les attaques contre la presse, déclare Alexandra El Khazen, responsable du bureau Moyen-Orient & Maghreb au sein de l’organisation. RSF demande aux autorités kurdes de respecter le travail des médias et de cesser les pressions exercées en toute impunité sur eux. En pleine crise politique, l’organisation exhorte les journalistes à faire preuve d’indépendance et de professionnalisme en n’alimentant pas les tensions et différends politiques”.


Des locaux attaqués


Des médias kurdes ont été violemment pris d’assaut par les forces de sécurité loyales au Parti démocratique du Kurdistan (PDK) dans la soirée du 10 octobre dans les villes d’Erbil, de Dohuk et de Soran. Ces derniers ont menacé les employés et les ont chassés après avoir causé de sérieux dommages matériels. Les chaînes NRT TV et KNN TV ont ainsi été fermées de force, sans raisons officielles.


Les forces de sécurité ont également arrêté six correspondants, photographes et techniciens du média privé NRT TV à Erbil - pour les relâcher hors de la province, près du checkpoint de Degala et vers la province de Soleimaniyah . Le bureau de cette même chaîne dans la ville de Dohuk a également été pris d’assaut. Selon Kawa Abdulqader, journaliste et manager de la chaîne à Erbil, les forces de sécurité leur ont reproché de répandre le chaos, et de soutenir l’opposition. Selon un média proche du PDK, le gouvernement aurait donné l’ordre de rouvrir la chaîne et de permettre le retour des employés de NRT TV, stipulant que ces derniers avaient fui.


Les locaux de la chaîne KNN TV, affiliée au parti d’opposition Goran, ont été attaqués dans les villes d’Erbil, de Dohuk et de Soran. Près de 11 membres du personnel ont été menacés puis détenus dans ces villes pendant quelques heures avant d’être relâchés, la plupart en dehors des villes respectives. La plupart des journalistes ont finalement pu rentrer chez eux, mais ils ne peuvent pas reprendre leur travail au sein du média, toujours assiégé par les forces kurdes. Selon nos sources, la radio Gorran située dans le même immeuble à Erbil que la chaîne KNN TV, a également vu ses locaux fermés.


Les locaux de la chaîne Rudaw TV, proche du parti PDK au gouvernement, ont été attaqués le 10 octobre par des manifestants à coups de pierres, dans la province de Suleimaniyeh.


Sur le terrain


Depuis le 8 octobre, RSF a recensé plusieurs cas de journalistes agressés par toutes les parties alors qu’ils couvraient les manifestations.


Des journalistes ont reçu des gaz lacrymogènes provenant de forces de l’ordre ou des jets de pierres des manifestants dans plusieurs zones de la province de Suleimaniyeh. Certains ont été délibéremment visés. C’est le cas de Hawkar Abdulrahman, journaliste pour la chaîne Kurdsatnews TV, qui a été agressé le 10 octobre par près de 15 personnes pro-PDK sous les yeux de la police kurde qui n’a pas réagi. Choman Mahmoud, reporter pour Rudaw TV, a lui été blessé à coups de pierres lancées par les manifestants dans la ville de Said Sadiq. Le 8 octobre dernier, Razhin Kama, journaliste pour la chaîne Gali Kurdistan TV affiliée au Parti de l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK) a reçu des pierres lancées par les manifestants alors qu’elle couvrait la manifestation avec son équipe dans la ville de Suleimaniyeh.


D’autres journalistes ont été restreints dans leur accès à l’information. L’équipe de la chaîne Kurdsatnews TV a été refoulée au niveau du checkpoint sur la route menant de Souleimaniyeh à Erbil alors qu’elle voulait couvrir le blocage du passage du convoi présidentiel du Parlement kurde, le 12 octobre dernier.


Les critiques autour de l’élection du président de la région autonome du Kurdistan irakien sont de moins en moins tolérées face au climat de tension, en particulier depuis juin 2015. Le président au pouvoir depuis dix ans justifie la nécessité de prolonger son mandat, pour la seconde fois depuis 2013, par des impératifs sécuritaires.

Publié le
Updated on 20.01.2016