RSF demande la libération d’un journaliste détenu depuis plus de trois mois

Lire en arabe (بالعربية) Reporters sans frontières dénonce fermement la détention, depuis le 19 décembre 2012, du rédacteur en chef du journal privé Al-Umma et demande sa libération immédiate. L’arrestation du journaliste fait suite à la publication, le 21 novembre 2012, d’une liste de 87 noms de juges et procureurs accusés de corruption et de détournement de fonds, dont la source n’a pas été révélée par le journaliste. Amara Abdallah Al-Khitabi est depuis poursuivi pour “diffamation” et “insulte au système judiciaire”; cette dernière accusation est passible d’une peine de 3 à 15 ans de prison ferme en vertu de l’article 195 du code pénal libyen toujours en vigueur. Or, d’après les informations recueillies par Reporters sans frontières, cette liste circulait sur les réseaux sociaux à une date antérieure à la publication de l’article dans Al-Umma. Le journaliste est de surcroît accusé de ne pas avoir de licence pour son journal, ce qui est réfuté par la défense avec preuve à l’appui. Le procès du journaliste s’est ouvert le 18 février dernier devant la cour pénale. La prochaine audience est prévue pour le 1er avril 2013. A ce jour, l’avocat du journaliste a été interdit de voir son client. Amara Abdallah Al-Khitabi, âgé de 67 ans et souffrant de graves problèmes de diabète, d’hypertension et de prostate, est détenu à la prison militaire de Hadba à Tripoli. Sa propre famille a été dans l’impossibilité de lui faire parvenir les médicaments nécessaires à son traitement médical. La demande de lui fournir une chaise roulante, compte tenu de sa faible mobilité, a quant à elle été rejetée. L’état de santé de Monsieur Al-Khitabi semble s’aggraver de jour en jour, d’autant qu’il a entamé une grève de la faim le 28 février dernier. D’après les informations recueillies, le journaliste aurait d’ailleurs été transféré dans un établissement hospitalier. Reporters sans frontières rappelle que la Libye est partie du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et se doit par conséquent de respecter ses engagements internationaux en termes de conditions de détention. En matière de liberté de l’information et d’expression, Reporters sans frontières souligne que le Comité des droits de l’homme des Nations unies a rappelé dans son observation générale n°34 que “les États parties devraient envisager de dépénaliser la diffamation” et que “l’emprisonnement ne constitue jamais une peine appropriée”. Reporters sans frontières exprime sa vive inquiétude vis-à-vis du contexte actuel de plus en plus insécuritaire auquel les journalistes libyens se trouvent confrontés. La lutte contre la corruption est indissociable de la transparence dans toute société démocratique et le rôle des journalistes est fondamental à cet égard. Le système judiciaire et les personnes publiques doivent accepter et tolérer une large critique, étant au cœur de la vie publique et de sujets d'intérêt général. Reporters sans frontières exhorte le Congrès général national, autorité législative, à légiférer le plus rapidement possible en faveur de la protection de la liberté d’information, et ce en dépit du processus constitutionnel toujours en attente. Une telle mesure s’avère aujourd’hui impérative et sera la garantie que le nouvel État libyen est bel et bien engagé dans un processus démocratique viable sur le long terme.
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Mise à jour le 20.01.2016