RSF condamne l’interpellation de l’humoriste Bassem Youssef

Lire en arabe (بالعربية) Reporters sans frontières condamne fermement l’interpellation de Bassem Youssef, le très populaire présentateur et humoriste de la chaîne CBC, accusé “d’insulte envers le président Morsi” et “d’offense à l’islam”. L’organisation est également très préoccupée par l’escalade de la violence à l’encontre des journalistes. Ces cas d’agressions viennent s’ajouter aux nombreuses poursuites engagées contre des professionnels des médias, dénoncées par l’organisation depuis plusieurs mois. Reporters sans frontières condamne ces exactions et ces abus et demande instamment aux autorités égyptiennes de prendre des mesures visant à garantir la sécurité des journalistes et à leur permettre de travailler librement. Au cours de manifestations de protestation contre l’actuel gouvernement organisées les 16 et 17 mars 2013, face au quartier général des Frères musulmans au Moqattam (Le Caire), le Comité de protection des journalistes (CPJ) a recensé l’agression d’au moins quatorze professionnels des médias. Des journalistes venus couvrir les évènements ont été violemment pris pour cible et certains ont été blessés par des groupes d’hommes armés de bâtons et de couteaux. La majorité des agresseurs ont été identifiés par les victimes comme étant des partisans des Frères musulmans, venus en nombre se confronter aux manifestants. Des membres de la police seraient également responsables d’une partie des agressions visant les journalistes. En périphérie du Caire, la Cité des Médias, où sont situés les sièges des principales chaînes de télévision indépendantes, a été assiégée les 24 et 25 mars par des militants islamistes qui entendaient protester contre la couverture médiatique “biaisée” des nouvelles manifestations organisées le 22 mars devant le siège des Frères musulmans. Le 17 décembre 2012 déjà, un groupe de militants islamistes avaient pris d’assaut la Cité des Médias. Le 24 mars 2013, des centaines de manifestants ont de nouveau bloqué les accès à la Cité, allant même jusqu’à empêcher les journalistes et invités des plateaux de télévision de pénétrer dans son enceinte, en n’hésitant pas à recourir à la violence. Certains assaillants ont tenté de s’introduire dans les véhicules des journalistes en brisant leurs fenêtres, afin de molester leurs occupants. Des manifestants présents à l’intérieur de la Cité des médias ont scandé des paroles menaçantes à l’adresse des journalistes, les accusant d’avoir “insulté” le président Morsi. Le ministre de l’Intérieur, Mohamed Ibrahim, est arrivé sur les lieux le 24 mars dans la soirée, afin de demander aux militants de mettre un terme aux manifestations. Cependant, le siège de la Cité des médias s’est poursuivi tout au long de la journée du lendemain. Le gouvernement a alors ordonné un renfort de la présence policière sur place. Les manifestants ont finalement levé le camp dans la soirée du 25 mars, promettant de poursuivre leurs actions de protestations contre les médias égyptiens. Le cabinet du Premier ministre, Hisham Qandil, a alors condamné cette attaque dans un communiqué de presse. Ces incidents interviennent dans un contexte particulièrement tendu. Les locaux du journal indépendant Al-Watan ont été vandalisés par des dizaines de personnes le 9 mars dernier, avant d’être incendiés. D’après l’un des membres de la rédaction, l’attaque aurait été perpétrée par des islamistes extrémistes, mais rien n’a pu être confirmé à ce jour. Inflation procédurière Parallèlement à l’augmentation des violences, les plaintes visant des journalistes et organes de presse se multiplient. Le mandat d’arrêt émis contre Bassem Youssef, le présentateur de l’émission satirique “El-Bernameg”, témoigne d’un recul dans la liberté de l’information, qui était pourtant l’une des revendications du peuple égyptien lors de la révolution de 2011. Bassem Youssef s’est rendu de lui-même au Parquet général le 31 mars 2013, accompagné par une foule de ses partisans venus le soutenir. Il a été remis en liberté contre le versement d’une caution de 15 000 livres égyptiennes (1 700 euros), après cinq heures d’interrogatoire. Le Procureur général lui reproche d’avoir “insulté” et “ridiculisé” le président Morsi au cours de son émission. Il est aussi accusé “d’offense à l’islam”. Une nouvelle plainte a été déposée contre lui, dès le 1er avril, pour “propagation de rumeurs et de fausses informations” et “trouble à l’ordre public”. Par ailleurs, la journaliste Chaïma Abou El-Kir, consultante pour le Moyen-Orient du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), est aussi sous le coup d'une enquête pour avoir officiellement pris la défense de Bassem Youssef lors d’une interview. Au cours des derniers jours, le Procureur général a également ordonné l’ouverture d’une enquête visant trois autres journalistes et présentateurs d’émissions politiques, Lamis Al-Hadidi, Amr Adib et Youssef Al-Husseini, pour “incitation au chaos”. “Reporters sans frontières demande l’abandon des poursuites contre Bassem Youssef, et la fin de l’ensemble des enquêtes visant des professionnels de l’information. Nous déplorons l’augmentation constante du nombre de plaintes à l’encontre de journalistes ; ce chiffre a littéralement explosé depuis l’arrivée au pouvoir de Mohamed Morsi. Nous attendons des autorités égyptiennes qu’elles mettent enfin un terme à leur politique d’intimidation à l’encontre des médias”, a déclaré l’organisation.
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Mise à jour le 20.01.2016