RSF condamne le harcèlement judiciaire des journalistes et communicateurs sociaux

Reporters sans frontières dénonce le harcèlement judiciaire de 36 membres du Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras (Copinh), accusés de sédition, parmi lesquels se trouvent la journaliste de Radio Progreso, Albertina Manueles Peréz, ainsi que plusieurs correspondants des radios communautaires dépendantes du Copinh, notamment Radio Puca Opalaca. A l’issue de l’audience du 24 juin 2014, le tribunal du département de Intibucá a imposé un contrôle judiciaire aux accusés, le procureur a invoqué le délit supposé de “sédition à l’encontre de la sécurité interne de l’État du Honduras et usurpation de fonctions”. Les nombreux communicateurs sociaux présents parmi les accusés sont poursuivis en justice pour avoir donné la parole à la population, majoritairement indigène, de San Francisco de Opalaca, qui ont qualifié de frauduleuse l’élection de l’actuel maire de San Franciso de Opalaca, José Socorro Sánchez. L’audience a été fixée pour ce 22 juillet. “Le harcèlement judiciaire envers les communicateurs sociaux et les organisations de la société civile souligne une volonté de contrôler la parole de la part des autorités, déclare Camille Soulier, responsable du bureau Amériques de Reporters sans frontières. Nous rappelons que parmi les incriminés, certains bénéficient de mesures de protection de la part de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH). Reporters sans frontières exige que toutes les charges retenues contre eux soient abandonnées." Ce procès se déroule dans un climat extrêmement tendu pour le droit à l’information au Honduras. La veille de cette l’audience, le 21 juillet 2014, un journaliste de San Pedro Sula porté disparu depuis presque 48 heures, a été retrouvé mort dans le département voisin de Yoro. Herlyn Espinal coordonnait le journal télévisé “Hoy Mismo”, de la chaîne Corporación Televicentro. Le ministre de l’Intérieur, Arturo Corrales, s’est empressé d’écarter tout lien avec la profession de la victime. Une déplorable habitude de la part des autorités. Sur les 37 de journalistes assassinés depuis le coup d’État de 2009, la grande majorité des crimes restent dans l’impunité la plus totale, selon le Comité pour la Libre Expression (C-Libre). “Reporters sans frontières exhorte les autorités à faire toute la lumière sur ce crime, ajoute Camille Soulier. Une enquête sérieuse et indépendante doit au plus vite être mise en place sur le meurtre de Herlyn Espinal, au même titre que pour tous les autres collaborateurs des médias tués au Honduras. La tendance dangereuse de réfuter d’emblée le mobile professionnel renforce la possibilité de faire taire les voix critiques de faire miroiter l'impunité aux éventeuels responsables intellectuels.” En plus de risquer leurs vies au nom du droit à l’information, les journalistes et communicateurs sociaux craignent des sanctions pour avoir traité des thèmes sensibles comme les conflits agraires ou les droits des Indigènes, et beaucoup finissent par recourir à l’autocensure. Les médias communautaires – qui sont souvent l'émanation de mouvements sociaux et de ce fait, enclins à dénoncer les abus –, sont particulièrement visés par la répression. La concession de fréquences pour les médias communautaires est bien loin des 33% demandés par Reporters sans frontières et la CIDH, entre autres. Un certains nombre de radios se voient forcées de travailler dans l’illégalité, et même celles qui ont le droit d’émettre risquent des représailles. En juin dernier, la Commission nationale des télécommunications a déposé une plainte contre la radio Voz de Puca. En cause : un programme d’actualité dirigé par le journaliste Juan Martínez, considéré comme non conforme aux dispositions de l’organisme de régulation des médias. L’ingérence systématique du gouvernement dans le choix et le traitement de l’information touche jusqu’aux défenseurs des droits de l’homme, tels que l’Américaine Annie Bird, actuellement victime d’une campagne de dénigrement par les autorités pour avoir dénoncé les atteintes aux droits humains. Le Honduras est 129ème sur 180 pays dans la Classement mondiale de la liberté de la presse élaboré par Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016