RSF appelle l’UE à obtenir la libération de son journaliste en Turquie

Reporters sans frontières (RSF) appelle l’Union européenne à exiger du gouvernement turc le respect des normes démocratiques européennes, une semaine après l’emprisonnement de son représentant en Turquie, Erol Önderoglu.

Lors d’une conférence de presse lundi 27 juin au siège parisien de Reporters sans frontières (RSF) avec Can Dündar, rédacteur en chef du quotidien turc Cumhuriyet condamné à 5 ans de prison, le secrétaire général de l’organisation, Christophe Deloire, a exhorté les institutions politiques européennes à rappeler à la Turquie ses devoirs démocratiques, à la veille de la relance à Bruxelles des négociations d’adhésion.


“La Turquie ne satisfait absolument pas aux critères démocratiques exigibles des candidats à l’adhésion et elle ne fait même que s’en éloigner, notamment concernant le respect de la liberté de la presse, déclare Christophe Deloire. Dès lors, il serait incompréhensible que l’Union européenne donne un signal positif au gouvernement turc.”


Suite à l’accord UE-Turquie sur les migrants, l’UE s’est engagée à relancer les négociations d’adhésion. Une conférence intergouvernementale se tient ce jeudi à Bruxelles en présence de plusieurs ministres turcs. Par ailleurs, un des volets de l’accord sur les migrants, la libéralisation des visas pour les citoyens turcs, achoppe sur une des contreparties exigées par l’Union, la révision de la loi antiterroriste de 1991, utilisée par les autorités turques pour poursuivre et faire condamner de nombreux journalistes. Cette loi, en ne faisant aucune distinction entre le propagandiste et celui qui rapporte des propos ou des faits, permet la condamnation de journalistes à de lourdes peines de prison.


RSF attend du commissaire européen en charge de l’Elargissement, Johannes Hahn, qu’il réaffirme la position indéfectible de l’UE sur ce point, et n’accorde pas la libéralisation des visas tant que la Turquie n’aura pas mis cette loi antiterroriste en conformité avec les standards démocratiques européens.


RSF appelle également l’UE européenne à pousser la Turquie à:


  • dépénaliser les délits de presse et en particulier réformer la loi sur l’insulte au chef de l’Etat
  • la fin des placements de médias sous administration judiciaire
  • une réforme de la loi sur Internet, de façon à ce que tout blocage de contenu web ne puisse être décidé que par une autorité judiciaire indépendante
  • la fin des mesures illégales permettant l’éviction de chaînes de télévision de certains satellites
  • mettre fin aux placements en détention de journalistes (quarante journalistes en prison, des milliers de procédures)
  • la fin de l’impunité dont bénéficient les auteurs de violences contre les journalistes


RSF attend également du gouvernement français qu’il crée une dynamique avec ses partenaires européens afin que la liberté de la presse figure explicitement comme condition préalable au progrès des négociations d’adhésion, et poursuive ses efforts en vue d’obtenir la libération d’Erol Önderoglu, Ahmet Nesin et Sebnem Korur Fincanci.


“C'est la pire époque que j'aie jamais connu pour la liberté de la presse en Turquie”,

a dénoncé Can Dündar, journaliste depuis plus de vingt ans en Turquie, qui a pourtant connu les années 90, ajoutant: “Il n’y a pas d’Etat de droit.” Le journaliste, qui a passé trois mois en prison avec le chef du bureau de Cumhuriyet à Ankara, Erdem Gül, a rendu hommage à Erol Önderoglu: “Erol a été avec nous tout le temps, en prison, au tribunal.”


Le journaliste turco-français Erol Önderoglu, représentant de RSF en Turquie, défend depuis vingt la liberté de la presse en Turquie. “Il s’est toujours mobilisé pour tous les journalistes emprisonnés ou empêchés de travailler librement, quelles que soient leurs opinions ou leurs employeurs, qu’ils soient kémalistes, islamistes proches de l’AKP (le parti d’Erdogan) ou gauchistes, a souligné Christophe Deloire. Il est aujourd’hui victime des mêmes mécanismes politiques mis en œuvre par le gouvernement turc qu’il a dénoncé sans relâche.”


L’emprisonnement d’Erol Önderoglu a suscité une immense vague d’indignation et de soutien en Turquie et au niveau international. Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe, l’OSCE, le Département d’Etat américain, les gouvernements français et allemand ont appelé à la libération rapide d’Erol Önderoglu, ainsi que du journaliste Ahmet Nesin et de la défenseure des droits de l'homme Sebnem Korur Fincanci, tous trois accusés de “propagande terroriste” pour avoir pris part à une campagne de solidarité avec le quotidien kurde Özgür Gündem.


La Turquie occupe la 151e place sur 180 dans le Classement 2016 de la liberté de la presse, publié par RSF.

Publié le
Mise à jour le 01.07.2016