Reporters sans frontières publie en intégralité la réponse à sa lettre ouverte de Fernando Alvarado, secrétaire national à la Communication

Secrétaire national à la Communication du gouvernement équatorien, Fernando Alvarado a répondu par une lettre ouverte, le 9 septembre 2011, à celle qu’avait adressé trois jours plus tôt le secrétaire général de Reporters sans frontières, Jean-François Julliard, au président Rafael Correa. L’organisation a décidé de reproduire intégralement sur son site le courrier de M. Alvarado. Cette lettre est assortie d’une invitation à débattre, adressée aux organisations internationales de la liberté de la presse. “Nous remercions Fernando Alvarado et, à travers lui, le président Rafael Correa, d’avoir pris la peine de répondre à nos questions et recommandations. Nous accèderons positivement à toute initiative de dialogue du gouvernement équatorien. Qu’il nous soit juste permis de rappeler que Reporters sans frontières s’est rendue en Équateur en mai 2010 lors du premier débat parlementaire sur la loi de communication. Le rapport qui a suivi cette visite donne la parole à des acteurs de différents types de médias et du monde de la communication, quelle que soit leur statut et leur tendance”, a déclaré Jean-François Julliard. Lettre à Reporters sans frontières Le 9 septembre 2011 Concernant la lettre ouverte dirigée au Président Rafael Correa, je me permets de vous adresser les précisions suivantes afin de répondre à vos inquiétudes : 1. Votre lettre mentionne que la procédure engagée contre les cadres dirigeants du quotidien El Universo pour le délit d’injure calomnieuse a créé des tensions entre la presse privée et le gouvernement. La tension à laquelle vous vous référez émane de quelques entreprises de communication qui, en s’attachant à leur esprit de corps, ont tenté, depuis leurs plates-formes, de délégitimer une décision judiciaire. 2. La condamnation d’El Universo souligne que l’État de droit prévaut sur l’opinion. Nous voulons promouvoir un pays où le respect à l’honneur de tous les citoyens prédomine, comme l’établit la Constitution politique de l’État. 3. Comme vous, des dizaines de journalistes locaux et nationaux se sont élevés contre les excès d’une certaine presse, à l’image de ceux commis par Emilio Palacio. De la même manière, des millions de citoyens l’ont exprimé dans les urnes, le 7 mai dernier, et lors de l’approbation de la Constitution en 2008. Nous soutenons tous un État de droit, un journalisme de qualité et une régulation des contenus. Par conséquent, il est impossible que, selon votre analyse, la grande majorité du pays veuille contrôler la liberté d’expression. 4. Le chef de l’État a engagé une action pénale contre le quotidien El Universo, Carlos Pérez Barriga, César Pérez Barriga, Nicolas Pérez Lapentti et Emilio Palacio pour le délit d'injure calomnieuse. La plainte concerne l'article d'opinion intitulé "Non aux mensonges", publié le 6 février dernier, dans lequel, sans aucune preuve, l'affirmation suivante est formulée : "Le dictateur devrait se rappeler, finalement, et cela est très important, que du fait de l’impunité, dans l’avenir, un nouveau président, peut-être son ennemi, pourrait le traduire devant une cour pénale pour avoir ordonné que le feu soit ouvert, à discrétion et sans un avis préalable, contre un hôpital rempli de civils et de gens innocents". Il ne s’agit pas d’une opinion, mais d’un avertissement révélant la claire intention d’offenser et de salir le nom et l’honneur du citoyen et président Rafael Correa Delgado. Ainsi, on a prétendu ouvrir la porte à un jugement pour “génocide”. Certains parlementaires d’opposition ont repris à leur compte cette accusation pour présenter une demande devant la Cour pénale internationale. 5. Je me loue que, comme organisme international, vous vous préoccupiez de liberté d’expression dans le monde. Cependant, je vous invite à plaider également pour un journalisme responsable et équilibré dans la région. 6. Je suis surpris que soit reliée à la tentative de coup d’État du 30 septembre dernier la question de la liberté d'expression en Équateur. Le gouvernement équatorien n’a jamais essayé de tirer argument d’une quelconque manière d’événements aussi douloureux pour le pays que ceux survenus le 30 septembre. Le discours de la presse privée et des faux leaders d’opinion en Équateur a été d'une hostilité systématique contre la vérité. Au contraire, en tant que gouvernement national, nous cherchons la démocratisation de l’information, c'est-à-dire à fournir aux citoyens une information de qualité. 7. Sur quels arguments se fonde Reporters sans frontières pour affirmer qu’en Équateur il y a une guerre médiatique menée par le président Rafael Correa ? La seule vérité est qu’il existe une offensive contre le gouvernement de la part de quatre familles propriétaires de grands médias et d’autres acolytes. Il suffit de regarder les titres et les éditoriaux de ces médias. L’offensive est évidente. Cela a déjà été dénoncé, il y a deux ans, devant la Société interaméricaine de presse (SIP), mais aucune action n’a suivi. Nous nous sommes rendus compte qu’ils étaient à la fois juges et partie. 8. En ce qui concerne votre inquiétude concernant l'indépendance des médias publics, je me dois de vous indiquer que les entreprises de communication sont des médias repris de propriété du "fidéicommis AGD-CFN - Plus d’impunité" dont le secrétariat technique a pour objectif de planifier, coordonner, contrôler et évaluer les activités commerciales, techniques, juridiques et financières de tous ces biens réquisitionnés en conséquence de la débâcle financière qu'a subi notre pays sous les administrations précédentes. Cette crise a été voulue par des banquiers corrompus qui, à leur tour, sont devenus propriétaires des médias. Ce gouvernement a promu l'achat de ces médias par leurs propres employés, dans la mesure où il est clair que contrôler les contenus des médias administrés par l’État n’entre pas dans ses objectifs, ainsi que vous le laissez entendre. Aujourd’hui, ces espaces ont été pris en charge par la citoyenneté qu’ont toujours ignorée par les grands médias. C’est une réussite dans une vraie démocratie 9. Le gouvernement équatorien n’étouffe ni n’évite la critique dans un contexte respectant le légitime débat d’idées. Il encourage ce débat. Sa politique de communication stimule l’intégration, la démocratisation et le libre accès à l’information. Une société mal informée est le pire des maux et par conséquent, notre responsabilité est de fournir aux équatoriens et équatoriennes les moyens de bâtir des espaces d’opinion publique solides, afin de former une citoyenneté active dans la vie politique du pays. 10. Nous regrettons que vous n’ayez pas pris la peine de venir en Équateur et vérifier par vous-mêmes la réalité des faits, avant d’émettre des critères et des recommandations tels que ceux contenus dans votre lettre au président Rafael Correa. C’est pourquoi je vous invite, comme les autres organisations internationales défendant la liberté d’expression, à un forum rassemblant de journalistes, des organismes de la communication, des étudiants, des collectifs de citoyens, ainsi qu'un large éventail de propriétaires de médias. De cette façon vous pourrez avoir une plus ample vision de la réalité de ce pays, qui ne se réduit pas à celle de quatre familles de propriétaires de médias. Cordialement, Fernando Alvarado Espinel
Secrétaire national à la Communication
Publié le
Updated on 20.01.2016