Reporters sans frontières préoccupée par la recrudescence des atteintes à la liberté de la presse

Reporters sans frontières s'inquiète de la recrudescence des attaques contre les journalistes et les médias en République démocratique du Congo. Pour le seul mois de mars 2004, au moins neuf interpellations, agressions, censures et condamnations à des peines de prison ont été recensées par l'organisation, qui demande aux autorités et à la justice de permettre aux journalistes de travailler librement. « Les journalistes travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles en République démocratique du Congo, notamment dans la région de Bukavu (Est). Ils sont soumis aux pressions quotidiennes des forces de police, de l'Agence nationale de renseignements (ANR), des milices locales, et d'une justice qui n'hésite pas à prononcer des peines de prison dès qu'un responsable politique porte plainte. Pour le seul mois de mars, nous avons répertorié neuf atteintes majeures à la liberté de la presse », a déploré Reporters sans frontières. « La liberté de la presse est une étape primordiale dans le processus de pacification et de démocratisation du pays. Les autorités politiques et judiciaires doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les journalistes puissent travailler en toute liberté et en toute sécurité », a ajouté l'organisation. Neuf atteintes à la liberté de la presse en mars 2004 Dans la nuit du 2 au 3 mars 2004, des civils armés se sont introduits dans les locaux de la radio communautaire Maendeleo, à Bukavu, afin d'imposer la diffusion d'un communiqué intitulé "Un cri d'alarme de la communauté Banyamulenge de Bukavu", traitant une autre station, Radio Maria, de "média de la haine". Le 16 mars, Nicaise Kibel-Bel Oka, directeur de l'hebdomadaire Les Coulisses, paraissant à Beni (Est), a été condamné par défaut à une peine de cinq ans de prison ferme, assortie d'un mandat d'arrêt et de 1 640 euros de dommages et intérêts pour « diffamation » envers un homme d'affaires de la région. Le journaliste, recherché, est alors entré dans la clandestinité. Le 24 mars, le tribunal de paix de Beni a annulé le mandat d'arrêt et réduit la peine à six mois d'emprisonnement et 4 750 euros d'amende. L'affaire est actuellement en appel. Le 17 mars, à Bukavu, la police a investi les locaux du mensuel Le Souverain, et saisit du matériel sans donner d'explications. Le 19 mars, Jean-Denis Lompoto, directeur de publication du bihebdomadaire satirique Pili-Pili, a été arrêté, puis transféré à la prison centrale de Kinshasa, sans avoir été entendu par un juge. Il était accusé de « diffamation » envers le ministre des Mines, Eugène Diomi Ndongala. Deux de ses collègues, eux aussi visés par la plainte, sont entrés dans la clandestinité. Le journaliste a finalement été libéré sous caution le 27 mars. Le 26 mars, Ali Kitoko, de la radio privée Concorde Nationale, a été interpellé à Tshikapa, alors qu'il se rendait à une "invitation" de l'ANR, pour répondre d'accusations de "propagation de fausses nouvelles". Le 27 mars, lors d'un procès opposant un huissier à un journaliste, à Tshikapa (Kasaï occidental), Luc Tshibwabwa, de Radio Canal Promotion, a été agressé et blessé à l'oeil par un membre de la famille de l'officier judiciaire. Depuis le 28 mars, Solange Lusiku, de la radio communautaire basée à Bukavu Radio Maria, reçoit des menaces par téléphone, pour avoir parlé d'une altercation entre plusieurs étudiants. Des agents de l'ANR sont venus la chercher à plusieurs reprises dans les locaux de la radio. Elle est depuis contrainte à la clandestinité. Le 29 mars, Radio Mutshima, basée près de la frontière angolaise, a été interdite de diffusion par l'ANR. Les autorités lui reprochent de fonctionner dans l'illégalité, sans autorisation écrite du ministère de l'Information et des services de renseignements. Le 30 mars, Arnaud Zajtman, correspondant à Kinshasa de la BBC, a été convoqué par la parquet général de la République. Il lui a été demandé de révéler les sources d'un reportage sur une manifestation de femmes, perçue par le gouvernement comme une tentative de déstabilisation organisée par l'opposition. Le journaliste a refusé, mais il devrait être à nouveau convoqué par le magistrat.
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Updated on 20.01.2016