Reporters sans frontières, l'Agence de monitoring des Médias et trois autres organisations demandent l'annulation des poursuites contre deux journalistes accusés de violer le secret-défense

Deux journalistes risquent la prison pour violation du secret-défense, après avoir été en possession d'un document classé secret par les autorités roumaines. Reporters sans frontières et quatre organisations locales de défense de la liberté de la presse condamnent les accusations contre les journalistes, qui n'ont divulgué aucune information et doivent bénéficier de la protection des sources.

Le 20 février 2006, le ministère de la Défense a engagé des poursuites contre deux journalistes, Sebastian Oancea et Marian Garleanu, correspondants des quotidiens Ziua et Romania Libera, pour détention et divulgation d'un CD montrant l'armée roumaine en action en Irak et en Afghanistan. Les autorités ont décidé de classer le document secret-défense. Le 7 février, les rédactions des deux quotidiens avaient pourtant décidé de ne pas publier ce document, préférant le remettre au Service roumain d'informations (services secrets). La fuite viendrait, selon toute vraisemblance, de l'armée elle-même. Seul un militaire a, pour l‘instant, été mis en cause dans cette affaire. Il a été arrêté dans la région de Vrancea (nord-est de la capitale) le 9 février, puis relâché dix jours plus tard. Marian Garleanu, correspondant dans cette région, avait été interpellé le 16 février par la police et gardé abusivement pendant deux jours, avant d'être relâché. Sebastian Oancea et Marian Garleanu risquent jusqu'à sept ans de prison s'ils sont reconnus coupables. La date du procès n'a pas encore été fixée. Quatre journalistes des deux mêmes rédactions, Bogdan Comaroni, Doru Dragomir, Victor Roncea, et Ovidiu Ohanesian, qui ont également été en possession du document, sont appelés à comparaître en qualité de témoins dans l'affaire. Reporters sans frontières s'associe à l'Agence de monitoring des médias et trois autres organisations roumaines de défense de la liberté de la presse pour condamner ces accusations inacceptables et demande aux autorités judiciaires d'abandonner les poursuites contre les deux journalistes. Reporters sans frontières plaide pour l'application du droit à la protection des sources et rappelle que la loi roumaine précise que seuls les fonctionnaires sont soumis au respect du secret-défense. Déclaration de cinq associations de défense de la liberté de la presse Bucarest, le 24 février 2006 Reporters sans frontières, l'Agence de monitoring des médias, le Centre du journalisme indépendant, la Convention des organisations de médias, et l'Union syndicale MediaSind souhaitent faire part de leur inquiétude face à l'acharnement des procureurs contre deux journalistes dans l'affaire de la fuite de documents classés secret-défense. Après Marian Garleanu, correspondant du quotidien Romania Libera dans la région de Vrancea détenu pendant deux jours, un autre journaliste, Sebastian Oancea, a été inculpé pour possession et divulgation d'informations confidentielles. Il est abusif et illégal d'inculper et d'arrêter des journalistes seulement parce qu'ils ont été en possession de documents supposés confidentiels. Les procureurs utilisent la loi de 1991 sur la sécurité nationale d'inspiration stalinienne et l'article 169 du code pénal qui permettent de condamner tout individu pour ces mêmes motifs. Ces dispositions sont en contradiction flagrante avec une nouvelle loi datant de 2002, qui précise que seuls les fonctionnaires de l'Etat doivent respecter le secret-défense. C'est cette loi qui devrait s'appliquer, étant donné qu'elle est plus récente que ces anciennes dispositions. En tant que signataire de la Convention européenne des droits de l'homme, l'Etat roumain doit respecter ce texte ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La cour estime qu'« une fois entrées dans la sphère publique, les informations liées à la sécurité nationale ne peuvent être interdites ou supprimées, et les auteurs de leur diffusion ne peuvent être punis ». Les précédents les plus connus dans ce genre d'affaires sont ceux de l'Observer, du Guardian ou du Sunday Times, au Royaume-Uni. La Cour européenne avait défendu ces trois journaux, qui avaient publié des informations confidentielles, malgré l'interdiction de la justice britannique. Les poursuites engagées par le procureur ont pour seul but d'intimider les journalistes et violent leur droit à la protection des sources. Nous appelons les journalistes à faire preuve de dignité et à ne pas devenir des « informateurs », même s'ils sont harcelés par les autorités de l'Etat. Un journaliste peut être contraint de révéler ses sources seulement si trois conditions sont remplies simultanément : - les autorités doivent prouver avec certitude qu'il s'agit d'informations essentielles ; - l'intérêt public doit justifier la révélation de la source ; - le journaliste doit être le seul à posséder cette source. Marian Garleanu et Sebastian Oancea ont fait preuve d'un grand sens des responsabilités en choisissant de ne pas publier leurs informations. De plus, ils ont informé les autorités de l'existence de ce document et ont même été félicités pour cela par le ministre de la Défense. Enfin, selon la déclaration faite par le ministère, ces documents « ne représentent pas une menace directe pour l'armée roumaine car ce sont des informations datant de deux ans et demi, et trop anciennes pour la mettre en danger ». Pour finir, nous sommes extrêmement surpris que deux journalistes soient inculpés, alors que les procureurs n'ont jusqu'alors poursuivi qu'un seul militaire parmi tous les officiers qui auraient dû empêcher la fuite du document. Nous demandons au procureur de mettre fin immédiatement aux poursuites judiciaires à l'encontre de Marian Garleanu et Sebastian Oancea. Nous considérons que c'est justement ce genre de procédés de la part des institutions publiques qui met en danger la sécurité nationale, violent les droits humains et sapent le processus d'intégration de la Roumanie à l'Union européenne. Reporters sans frontières Agence de monitoring des médias Centre du journalisme indépendant Convention des organisations de médias Union syndicale MediaSind
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016