Reporters sans frontières exhorte l'Union européenne à faire pression sur l'Algérie

Alors que le Parlement européen votera, les 9 et 10 octobre, l'Accord d'association euro-méditerranéen avec l'Algérie, Reporters sans frontières rappelle que cet accord comprend une clause (article 2) concernant les droits de l'homme. Cette clause, qui constitue un élément essentiel de l'accord, a été, jusqu'à présent, ignorée dans le cadre, par exemple, des accords d'association avec la Tunisie ou Israël, deux pays épinglés ces derniers mois pour leurs violations des droits de l'homme. L'organisation demande au Parlement européen d'adopter un projet de résolution, approuvé par son Comité des Affaires étrangères, appelant le gouvernement algérien à tenir ses engagements en matière de droits de l'homme, et les deux parties à instaurer des mécanismes de contrôle de l'article 2. L'organisation souhaite que cette résolution soit citée dans celle ratifiant l'Accord d'association. Ces dernières semaines, plusieurs journalistes algériens ont été victimes de brutalités ou d'intimidations de la part de citoyens qui s'étaient estimés diffamés. Au lieu d'avoir recours à la justice, ces derniers ont réagi en dehors de tout cadre légal. Le 19 septembre, Nabil Chaoui, du quotidien Le Jeune Indépendant, a été menacé, dans son bureau à Annaba, par deux hommes. Trois jours auparavant, le journaliste avait fait paraître un article dans lequel il rapportait les propos du président de la Chambre de commerce et d'industrie de Seybouz - Annaba qui mettait en cause un industriel de la région. " Les auteurs des menaces étaient des hommes de main de l'industriel ", a déclaré le journaliste à Reporters sans frontières. Ali Hemici, journaliste du quotidien El Ahdath, et Ghanem Khemissi d'Erraï ont été également menacés, mi-septembre à Annaba, par un élu du Rassemblement national démocratique (RND), au siège du parti. Il a fallu l'intervention de militants de ce parti pour que ce notable local ne frappe pas les journalistes. Ces derniers avaient publié des articles critiques le concernant. Le 7 août, des employés de l'ENTV (télévision publique algérienne) se sont rassemblés devant le siège du quotidien El Youm à Alger pour protester contre la publication d'une caricature parue le jour même dans le quotidien. Celle-ci se moquait de la façon dont les femmes étaient recrutées au sein de la télévision d'Etat. Le groupe a insulté les journalistes du quotidien et menacé Djamel Noun, l'auteur de la caricature. Celui-ci a alors dû se cacher quelques jours en raison des menaces proférées à son encontre. Le 20 juillet, Saâd Garboussi, président de la Chambre de commerce et d'industrie des Nememchas (wilayas de Tébessa et de Souk Ahras), s'est présenté, avec trois fonctionnaires de la Chambre de commerce, dont un armé, au domicile d'Abdelhaï Beliardouh, correspondant du quotidien El Watan à Tébessa. Le journaliste a été roué de coups avant d'être traîné, par le col de sa chemise, dans les rues de la ville. Il a été insulté publiquement et conduit, en voiture, dans la cave de la villa de Saâd Garboussi avant d'être relâché. Cette agression faisait suite à la parution, le jour même, d'un article où Abdelhaï Beliardouh écrivait que Saâd Garboussi "aurait été cité par un repenti comme étant un pourvoyeur de fonds pour le terrorisme". Peu après, l'Association des correspondants de presse a demandé au wali de Tébessa la permission de porter des armes. Outre ces " règlements de comptes " inquiétants, Reporters sans frontières s'inquiète de l'application de la modification du code pénal, en mai 2001, qui alourdit les peines et amendes pour diffamation par voie de presse. Ce durcissement de la législation s'est traduit par des poursuites contre des journalistes de la presse privée. Durant les quatre premiers mois de l'année, de nombreux journalistes ont ainsi été entendus par la police judiciaire suite à des plaintes du ministère de la Défense pour "diffamation". Ces derniers mois, plusieurs journalistes ont également été agressés par les forces de l'ordre lors des émeutes en Kabylie. Le 7 octobre, alors qu'il couvrait des émeutes à Irdjen (Kabylie), Samir Leslous, photographe du quotidien Liberté, a été poursuivi par des services anti-émeutes. Dans sa fuite, il a chuté et s'est fracturé la jambe. L'organisation rappelle enfin que les familles des journalistes Aziz Bouabdallah, Djamil Fahassi et Salah Kitouni sont toujours sans nouvelles de leurs proches, disparus entre 1995 et 1997. A l'issue d'une enquête menée sur le terrain en janvier 2001, Reporters sans frontières avait conclu que ces disparitions étaient l'œuvre des services de sécurité. Aucune enquête sérieuse n'a été menée par les autorités.
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Updated on 20.01.2016