Reporters sans frontières est toujours préoccupée par l'impunité qui entoure depuis trois ans l'assassinat du journaliste Jean Dominique

Alors que la presse haïtienne commémorera le 3 avril prochain le troisième anniversaire de l'assassinat de Jean Dominique, directeur de Radio Haïti Inter, Reporters sans frontières est toujours extrêmement préoccupée par l'impunité qui entoure ce crime et attend avec un vif intérêt la publication de l'ordonnance de clôture d'enquête du juge Bernard Saint-Vil, en charge du dossier.

Alors que la presse haïtienne commémorera le 3 avril prochain le troisième anniversaire de l'assassinat de Jean Dominique, directeur de Radio Haïti Inter, Reporters sans frontières est toujours extrêmement préoccupée par l'impunité qui entoure ce crime et attend avec un vif intérêt la publication de l'ordonnance de clôture d'enquête du juge Bernard Saint-Vil, en charge du dossier. "Nous sommes en particulier inquiets pour la sécurité du juge Saint-Vil alors que Michèle Montas a été victime d'une tentative d'assassinat le 25 décembre dernier", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Nous appelons la communauté internationale, et en particulier l'Organisation des Etats américains, à être particulièrement attentive à cette question", a ajouté M. Ménard. Selon des informations recueillies par Reporters sans frontières, le juge Bernard Saint-Vil devrait prochainement rendre publique son ordonnance de renvoi accompagnée de la liste des personnes inculpées pour la mort du journaliste. Il y a plusieurs semaines, le juge Saint-Vil aurait remis son rapport d'enquête au Commissaire du gouvernement qui le lui aurait retourné avec ses commentaires il y a environ un mois. Après le retour du dossier dans son bureau, le juge dispose de trente jours pour rendre publique son ordonnance de renvoi devant le tribunal. Rappel des faits : une enquête marquée par de nombreux obstacles Le 3 avril 2000, Jean Dominique, le journaliste et analyste politique haïtien le plus connu du pays, était abattu dans la cour de Radio Haïti Inter dont il était le directeur. Connu pour son indépendance de ton, Jean Dominique critiquait aussi bien les anciens duvaliéristes et les militaires que les grandes familles de la bourgeoisie ou ceux qu'il soupçonnait, au sein de Fanmi Lavalas, le parti du président Jean-Bertrand Aristide, de vouloir "détourner ce mouvement de ses principes". En septembre 2000, l'enquête est confiée au juge Claudy Gassant. Son prédécesseur, le juge Jean-Sénat Fleury, avait demandé à être dessaisi du dossier après avoir reçu des menaces. Le mandat du juge Gassant, qui prenait fin le 3 janvier 2002, n'a pas été immédiatement renouvelé par le président Aristide et le juge s'est alors réfugié aux Etats-Unis. Il avait subi de nombreuses pressions après avoir inculpé Dany Toussaint, un sénateur de Fanmi Lavalas, le parti du président Aristide. Depuis juillet 2002, le dossier est entre les mains du juge Bernard Saint-Vil. Depuis trois ans, pratiquement toutes les institutions de l'Etat ont fait obstacle à l'enquête. Le ministère de la Justice n'a jamais assuré de façon satisfaisante la sécurité du juge Gassant, pourtant menacé. La police a refusé d'exécuter des mandats d'arrêt. Elle est aussi soupçonnée d'avoir livré un important suspect à une foule de manifestants qui l'ont tué à coups de machette. Le Sénat s'est opposé à la levée de l'immunité parlementaire de l'un des siens, Dany Toussaint, pourtant considéré comme le principal suspect. Le 25 décembre 2002, Michèle Montas, la veuve de Jean Dominique qui a repris la direction de la station, a été victime d'une tentative d'assassinat à son domicile, au cours de laquelle Maxime Séïde, l'un de ses gardes du corps, a été tué. La journaliste a interprété cet attentat comme "un avertissement" à l'encontre de toutes les personnes liées à l'enquête sur la mort de son mari. Le 21 février 2003, Michèle Montas a annoncé que Radio Haïti Inter cessait ses émissions en raison de nombreuses menaces reçues par le personnel de la radio : "Nous avons déjà perdu trois vies, nous refusons d'en perdre davantage." Dans une lettre adressée à la direction de la station, le 1er février, les journalistes et techniciens de la station avaient exprimé leur profonde inquiétude suite à nombreux incidents survenus depuis le début de l'année. La directrice de Radio Haïti Inter a cependant précisé que la station ne fermera pas et que la décision de cesser les émissions est temporaire. Ces dernières reprendront lorsque les conditions de sécurité seront réunies. "Cela ne sera possible que lorsque l'ordonnance du juge aura été publiée", a confié Michèle Montas à Reporters sans frontières.
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Updated on 20.01.2016