Reporters sans frontières appelle à la mobilisation en faveur de Roy Ngerng

Depuis près de deux mois, le blogueur Roy Ngerng est la cible du Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong. Après avoir porté plainte pour diffamation suite à un article du blogueur, le chef du gouvernement cherche désormais à expédier la procédure et empêcher qu’un débat de fond ait lieu.

C’est la première fois qu’un Premier ministre singapourien poursuit en justice un de ses concitoyens. A la veille de la première audience du procès, le 18 juillet 2014, opposant le Premier ministre singapourien Lee Hsien Loong, au blogueur Roy Ngerng Yi Ling, Reporters sans frontières appelle à une mobilisation de tous les net-citoyens en faveur du blogueur (voir plus bas). Accusé de diffamation par le Premier ministre pour un article publié le 15 mai 2014 et intitulé “Où va l’argent que vous placez dans le Fonds de Pension Central: les enseignements du procès de l’Eglise City Harvest Church”, Roy Ngerng risque de se voir refuser la tenue même d’un procès équitable et ainsi de la possibilité de prouver que les accusations dont il fait l’objet sont infondées. Le 11 juillet dernier, le Premier ministre a demandé qu’un “jugement sommaire” soit mis en place afin de déterminer immédiatement la peine du blogueur et les dommages et intérêts qu’il devra payer, sans que le fond de l’affaire ne soit débattu. Cette procédure dite de “jugement sommaire” n’est possible que si les juges n’ont pas à se prononcer sur le fond de l’affaire, estimant que l’accusé a déjà reconnu sa culpabilité et qu’il n’est pas en mesure de présenter une défense efficace pour contester la requête du plaignant. “L’action intentée par le Premier ministre à l’encontre de Roy Ngerng n’est qu’une manoeuvre de dissuasion et de diversion, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Elle repose sur l’isolement du blogueur, qui contrairement à un journaliste ne bénéficie pas de l’appui d'un média par exemple, et sur la volonté de détourner l’attention du public du scandale impliquant le Fonds de Pension Central sur lequel il a écrit. La disproportion des moyens mis en oeuvre par le Premier ministre démontre une volonté d’envoyer un avertissement à tous les citoyens de Singapour qui publieraient des informations mettant en cause, directement ou indirectement, le pouvoir”. “Nous demandons au Premier ministre Lee Hsien Loong de retirer, purement et simplement, sa plainte”, ajoute-t-il. Reporters sans frontières estime que Roy Ngerng est une nouvelle victime d’un type bien précis de manoeuvre judiciaire: la SLAPP (de l’anglais Strategic Lawsuit Against Public Participation, ou en français, poursuite en justice stratégique contre la participation publique). Les objectifs de cette stratégie sont multiples. Elle vise dans un premier temps à annihiler toute capacité de défense et de publication du blogueur. Dans un second temps, il s’agit d’envoyer un message dissuasif à l’encontre de tous les acteurs de l’information qui auraient des velléités de relayer ou de poursuivre le travail du blogueur. Enfin, il s’agit de détourner l'attention du public des révélations contenues dans l’article publié par Roy Ngerng. Il s'agit d’une procédure dont le but n’est pas d’obtenir in fine “gain de cause” mais d’épuiser, psychologiquement, financièrement et physiquement le blogueur, et cela de manière publique. Une SLAPP qui n’en finit pas Dans une lettre de Lee Hsien Loong, s’exprimant par l’intermédiaire de son avocat, adressé au blogueur le 18 mai dernier, le Premier ministre l’avait accusé d’”allégations mensongères et sans fondement”, et avait exigé la suppression de l’article du blog, la publication d’une excuse publique et le versement d’une somme d’argent en dédommagement des frais engagés par le Premier ministre. Sous pression, Roy Ngerng s’était excusé dans une lettre dans laquelle il s’était senti contraint de reconnaître que les “allégations étaient fausses et sans fondement”. Le blogueur a par la suite expliqué à Reporters sans frontières que les “excuses avaient été faites parce que nous (NDLR: Roy Ngerng et son avocat) pensions que c’était le moyen le plus facile de sortir de cette situation, en sachant que si nous décidions de nous battre, nous nous serions dirigés vers une faillite certaine, ce qui est finalement arrivé”. Reporters sans frontières a par la suite appris que la lettre d’excuses avait été rédigée par les avocats du Premier ministre et non par le blogueur, comme cela est présenté à chaque mention publique de la reconnaissance des faits par le blogueur. Dans une succession d’échanges à travers médias ou lettres interposées, Lee Hsien Loong a indiqué refuser d’abandonner sa requête d’indemnisation ajoutant que les excuses présentées n’étaient pas “sincères”. Ses avocats ont également exigé le retrait d’autres articles, parus par la suite, en menaçant de demander une plus grande indemnisation. Le 10 juin 2014, Roy Ngerng a été licencié de hôpital Tan Tock Seng (Tan Tock Seng Hospital’s (TTSH)), où il exerçait en tant qu’aide soignant (patient coordinator). La raison officielle invoquée par l’hôpital, “un comportement incompatible avec les valeurs et les normes attendues des salariés”. Suite aux nombreux commentaires en ligne soutenant le blogueur, le ministère de la Santé a publiquement approuvé la décision de l'hôpital et condamné les actions du blogueur. Quelques jours plus tard, une lettre adressée à The Economist par la secrétaire de presse de Lee Hsien Loong, Chang Li Lin, attaquant l’article publié par le journal sur la poursuite en diffamation contre le blogueur, a suscité de vives réactions de la part des internautes. Ces derniers se sont interrogés sur l’implication de fonctionnaires du gouvernement dans une affaire privée, voire sur une possible intervention directe du gouvernement à l’encontre de Roy Ngerng, en référence au communiqué de presse publié par le ministère de la Santé. COMBATTEZ LA CENSURE ET SOUTENEZ ROY NGERNG ! En utilisant l’effet Streisand, vous pouvez rendre caduque la tentative de censure du Premier ministre singapourien. Pour cela, l’organisation appelle l’ensemble des internautes : * à relayer, partager ou héberger l’article publié par le blogueur et disponible à cette adresse : http://therealsingapore.com/content/where-your-cpf-money-going-learning-city-harvest-trial * à relayer, partager ou héberger le blog créé en soutien à Roy Ngerng: http://isupportroyngerng.wordpress.com/2014/05/26/11/ * à contribuer aux articles Wikipedia du Fonds de Pension Central de Singapour : https://en.wikipedia.org/wiki/Central_Provident_Fund et du Premier ministre : https://en.wikipedia.org/wiki/Lee_Hsien_Loong en mentionnant l’affaire. Reporters sans frontières invite les internautes : * à soutenir financièrement le blogueur qui a lancé un appel aux dons afin de faire face aux frais de justice : http://thehearttruths.com/2014/05/29/please-support-roy-ngerngs-defamation-legal-defense-fund/ * à suivre le blog de Roy Ngerng : http://thehearttruths.com/ et sa chaîne YouTube : https://www.youtube.com/channel/UCxB2eE3nn9foPhsNKRj9bgQ * à communiquer votre soutien à Roy Ngerng sur la page Facebook de Thehearttruths : https://www.facebook.com/pages/I-want-the-government-and-people-to-work-together-for-Singapores-future/185331834935656 * ainsi que sur celle du Premier ministre : https://www.facebook.com/leehsienloong * en contactant le Fonds de Pension Central : http://mycpf.cpf.gov.sg/cpf/contact-us/contact_us.htm
Publié le
Mise à jour le 20.01.2016