Renforcement de l'arsenal répressif afin de museler les médias à l'approche des législatives

Reporters sans frontières dénonce la multiplication des mesures prises par les autorités à l’approche des élections législatives du 28 novembre, afin de contrôler l'information et museler la liberté d'expression. Le recours à de telles pratiques constitue un recul important au regard de l'ouverture que le pays avait connus au cours des dernières années. Des méthodes que l'on croyait oubliées refont leur apparition. L’inquiétude est d’autant plus forte qu’en 2011 doit se tenir l’élection présidentielle. Un renforcement de la répression est à craindre. Disparition forcée Reporters ans frontières est sans nouvelles de Attia Mohamed Mahmoud Abu-l-Ela, free-lance auprès du bureau international d'Al-Jazeera au Caire. Le journaliste a couvert les violences commises par la police et les partisans du Parti national démocrate (PND), à l'encontre de leaders politiques de l’opposition et de leurs militants lors d'un meeting électoral tenu dans la province d'Al-Sharqiya, le 20 novembre dernier. Aussitôt pris en chasse par la police, il a réussi dans un premier temps à s'échapper, avant d'être arrêté à son domicile, dans le village d'El-Salam, le lendemain en fin de matinée. Lors de la perquisition de son domicile, les forces de police ont saisi son matériel et détruit une partie de son mobilier. Aucun procés verbal n'a été présenté lors de son arrestation. L’organisation est très inquiète sur le sort réservé à ce journaliste et demande sa libération immédiate. Affaire montée de toutes pièces Reporters sans frontières rappelle que le correspondant du quotidien indépendant en ligne Al-Badil et militant des droits de l'homme, Youssef Shaaban, a été arrêté le 20 novembre dernier à Alexandrie, alors qu'il couvrait une manifestation des habitants du quartier d'Abou Souleiman, protestant contre leur expulsion. Selon nos informations, le journaliste a été arrêté par les forces de police alors qu'il prenait des photos d’un policier en train de frapper un manifestant. Immédiatement emmené au commissariat de Raml II, il a été inculpé par les services de renseignements de trafic de drogue (http://fr.rsf.org/egypte-un-journaliste-arrete-en-marge-d-23-11-2010,38869.html). Son dossier a été transféré le jour même au procureur général, lequel a requis quatre jours supplémentaires de détention, officiellement pour les besoins de l'enquête. À l'issue de ce délai, le procureur général a prolongé la détention du journaliste de quinze jours. Youssef Shaaban n'a toujours pas pu s’entretenir avec ses avocats. L’organisation, qui appelle à la libération immédiate du journaliste, redoute qu'il ne soit soumis à de mauvais traitements. Il s’agit manifestement d’une affaire montée de toutes pièces pour faire taire, avant les élections, un journaliste connu pour ses prises de position critiques. Cette dérive tunisienne du pouvoir égyptien est particulièrement inquiétante. Intimidation de journalistes couvrant la campagne de candidats de l’opposition La campagne de répression que les autorités mènent contre les Frères musulmans à la veille des élections touche également les médias qui couvrent la campagne des candidats de ce parti. Le reporter pour l'édition en langue anglaise du quotidien Al-Masry Al-Youm, Ashraf Khalil, a été inquiété par les services de police alors qu'il venait de réaliser, le 22 novembre dernier, une interview de Mohammed Beltagui, candidat des Frères musulmans, qui se présente à sa propre succession au siège de député pour la circonscription de Shubra Al-Kheima, au nord du Caire. Alors qu'il quittait le quartier avec une consœur venue également couvrir la conférence de presse, leur taxi a été arrêté par les services de la sécurité d'État. « Ils nous ont sortis du taxi et ont exigé nos cartes d’identité et nos accréditations. Sur un ton agressif, ils nous ont demandé nos autorisations pour travailler en tant que journaliste dans ce quartier. Je leur ai expliqué à maintes reprises que ma carte de presse avait été délivrée par le ministère de la Communication et de l'Information. Rapidement, on a compris que nos cartes de presse officielles ne valaient rien pour les personnes qui nous faisaient face. Nous sommes restés ainsi plus d’une demi-heure debout dans une rue sombre, entourés d’une dizaine d’hommes en uniforme, qui ne cessaient de répéter qu’ils ne faisaient que suivre les ordres, sans daigner nous dire de quels ordres il s’agissait », a déclaré le journaliste à Reporters sans frontières. Extension du contrôle administratif à l’encontre des médias audiovisuels Reporters sans frontières dénonce la publication, début novembre 2010, de nouvelles dispositions législatives visant à encadrer la retransmission de programmes en direct pour les chaînes de télévision. Selon les dernières dispositions du ministère de la Communication et de l'Information, tout organe de presse désirant réaliser une émission en direct doit obtenir une autorisation d'un responsable officiel et le paiement de 5 000 dollars (soit 3 730 euros). Aucune précision n'a été donnée quant à l'identité dudit "responsable officiel", ni quant à la durée de validité de ladite licence et des modalités de son renouvellement. Dans un même temps, de nombreuses chaînes satellitaires ont reçu par courrier l’ordre du ministère de la Communication de tourner leurs émissions en direct depuis les studios situés dans la ville périphérique « Six Octobre » (un trentaine de kilomètres au sud-est du Caire). En outre, les autorités se sont lancées, depuis le 11 octobre dernier, dans une campagne de contrôle des SMS. Les entreprises qui recourent à des envois massifs de messages SMS sur les téléphones portables doivent désormais obtenir une autorisation auprès de l’Autorité de régulation des télécommunications. Les fournisseurs de contenus – partis politiques ou services d’informations par exemple – devront faire de même et s’acquitter d’une licence dont le prix s’élèverait à près de 88 000 dollars (65 671 euros). Licenciement abusif et fermeture de chaînes privées Le 19 octobre 2010, plusieurs chaînes privées ont été suspendues ou menacées de suspension par le ministère de la Communication et de l’Information, via l’opérateur Nilesat. Les animateurs de programmes télévisés et journalistes, Alaa Sadeq et Ibrahim Eissa, ont été licenciés au début du mois d’octobre 2010, suite à des prises de position critique vis-à-vis du gouvernement lors de leurs émissions ou de publications d’articles (pour information : http://fr.rsf.org/egypte-renforcement-du-controle-sur-les-21-10-2010,38634.html).
Publié le
Updated on 20.01.2016