Réforme de l'article 301 : « La liberté d'expression est toujours en péril en Turquie »

Le 30 avril 2008, le parlement turc a adopté des amendements à l'article 301 du code pénal, qui punit les insultes à l'identité turque et qui a permis de poursuivre et de condamner plusieurs dizaines de journalistes et d‘écrivains, depuis son adoption en 2005. “Cette réforme est une fausse bonne nouvelle. Les modifications apportées à l'article 301 sont cosmétiques et insuffisantes. Certes, les peines encourues ont été rabaissées. Mais l'insulte à l'identité turque a été simplement remplacée par l'insulte à la Nation turque, laissant toute latitude aux magistrats pour poursuivre quiconque abordera publiquement les dossiers sensibles que sont le génocide arménien et la question kurde”, a déclaré Reporters sans frontières. “Par ailleurs, cette réforme ne concerne que l'article 301. Une véritable amélioration de la liberté d'expression dans le pays ne pourra faire l'économie d'une révision profonde de l'arsenal réglementaire et législatif qui l'entrave. Le caractère limité de cette réforme souligne à quel point la question de la liberté d'expression demeure hautement problématique pour les autorités turques ”, a précisé l'organisation de défense de la liberté de la presse. Le 30 avril, à l'issue de débats houleux, l'Assemblée nationale turque a entériné les amendements à l'article 301, par 250 voix contre 65. Entré en vigueur en mai 2005 et succédant à l'article 109 de l'ancien code pénal, l'article 301 punissait les atteintes à « l'identité turque » de peines allant jusqu'à trois ans de prison ferme. Il a permis d'entamer des poursuites contre plusieurs milliers de personnes. Selon le ministre de la Justice, Mehmet Ali Sahin, pour le seul premier trimestre 2007, 1 189 individus accusés d'avoir violé ses dispositions ont comparu devant la justice. Le romancier et prix Nobel de littérature Orhan Pamuk, mais aussi le journaliste d'origine arménienne Hrant Dink, assassiné par des ultranationalistes le 19 janvier 2007, à Istanbul, ont été poursuivis en vertu de cet article. La réforme remplace l'atteinte à la “turcité” par l'atteinte à la “Nation turque”, et ramène la peine maximale encourue de trois à deux ans de prison. La majorité des procès devraient désormais se dérouler devant les tribunaux de police et plus devant les tribunaux correctionnels. En outre, les affaires en cours seront abandonnées et réexaminées en fonction des nouvelles dispositions. Cependant, l'article 301 n'est qu'un élément de l'arsenal législatif restreignant la liberté d'expression en Turquie. D'autres textes punissent les atteintes aux intérêts nationaux fondamentaux (art. 305), l'incitation à la haine, à l'hostilité ou à l'humiliation, (art. 216), l'atteinte à la mémoire d'Atatürk (loi 5816 du 25 juillet 1951), ou encore le fait de détourner la population du service militaire (art. 318). Bien souvent, les peines encourues sont augmentées de moitié dans le cas où les atteintes ont été commises par un média.
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Updated on 20.01.2016