Quinze journalistes menacés de mort sur fond de violences entre gangs

Quinze journalistes maldiviens ont été visés par des menaces de mort sur fond de violences entre bandes rivales. Dans cet archipel aux décors de carte postale, le quotidien des journalistes y est bien sombre. 84% d’entre eux affirment avoir été la cible au moins une fois de menaces.

Dans un contexte de violences entre bandes rivales, ce sont les journalistes qui trinquent. Quinze journalistes maldiviens ont été menacés de mort, le 3 août 2014, suite à des enquêtes sur des gangs réalisées au lendemain de violences ayant éclaté fin juillet à Malé, la capitale. Travaillant pour Haveeru, Raajje TV, Maldives Broadcasting Corporation (MBC), VTV, Sun Online et Vaguthu, ces professionnels ont reçu des menaces par SMS. “Nous allons vous tuer si vous continuez à écrire des articles inappropriés sur les gangs dans les médias” indiquaient ces messages. “Les menaces de mort sont sources d’autocensure pour les journalistes. Les autorités doivent assurer la sécurité des acteurs de l’information, notamment en arrêtant les auteurs de ces pressions. Elles doivent mettre un terme à cette culture de l’intimidation et de l’impunité, en cessant de cautionner par le silence les exactions des bandes rivales”, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Les menaces de mort sont une pratique d’intimidation courante aux Maldives. Si elles sont rarement mises à exécution, l’agression, en février 2013, du journaliste de Raajje TV, Ibrahim Asward Waheed, constitue un précédent inquiétant : frappé à l’aide de barres de fer, le journaliste avait été laissé pour mort par ses agresseurs. Comme trois autres confrères de Raajje TV, il a de nouveau reçu des menaces. Les locaux de ce média d’opposition ont été la cible d’un incendie criminel en octobre dernier. Les gangs, qui se servent des médias comme vecteur de communication et de diffusion de leurs actions, se retournent contre eux dès lors que leurs reportages leur déplaisent ou que leurs enquêtes évoquent d’autres bandes rivales. Par ailleurs, ces gangs sont de plus en plus utilisés par le milieu politique qui se sert d’eux pour faire subir des pressions aux journalistes et plus généralement aux personnes considérées comme des adversaires. Les gangs bénéficient ainsi de l’impunité la plus totale. Un climat de menaces qui rend le journalisme moins attractif Selon un rapport publié en mai dernier par la MBC, les partis politiques sont les premiers auteurs de menaces à l’encontre des journalistes. Viennent ensuite les gangs et les extrémistes religieux. Ce climat délétère rend les journalistes plus sujets à l’autocensure. Ainsi, 30% déclarent redouter désormais d’enquêter sur les activités des gangs, et 43% ne rapportent pas les menaces aux autorités. De plus, Malé étant une petite ville, les personnes visées ont peu d’échappatoire quand ils sont la cible de menaces. Malgré l’engagement des autorités à protéger la liberté de la presse, peu de progrès ont été enregistrés. Les auteurs de l’attaque contre les locaux de Raajje TV et de l’agression d’Ibrahim Asward Waheed n’ont, en effet, toujours pas été condamnés. Les Maldives se positionnent à la 108e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2014 établi par Reporters sans frontières. Photo: Haveeru
Publié le
Updated on 20.01.2016