Protection du secret des sources : le projet de loi vidé de sa substance

Reporters sans frontières est abasourdie par le recul majeur du gouvernement sur sa promesse de renforcer la protection du secret des sources des journalistes. Le projet de loi censé améliorer la législation en la matière a été approuvé le 12 juin 2013 par le Conseil des ministres. Il est nettement moins protecteur que la version précédente – qui était déjà moins ambitieuse que l’avant-projet élaboré par le ministère de la Justice. “Le Conseil d’Etat a achevé de vider le projet de loi de sa substance, a déploré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. En réintroduisant une exception au secret des sources aussi vague et large que ‘l’atteinte grave aux intérêts fondamentaux de la Nation’, il ruine l’une des avancées essentielles attendues du nouveau dispositif. A quoi bon une réforme, si elle accouche finalement des mêmes insuffisances que la législation existante ? Nous appelons instamment les parlementaires à revenir sur ce renoncement. A défaut, une occasion historique aura été manquée d’asseoir le rôle de contre-pouvoir des médias et de faire progresser la France en matière de liberté de l’information.” L’une des principales insuffisances de la loi en vigueur, adoptée en janvier 2010, est la très grande marge d’interprétation que laisse la notion d’“impératif prépondérant d’intérêt public”, admise comme une exception légitime au principe du secret des sources. Aussi l’un des objectifs affichés du gouvernement était-il de restreindre le champ des exceptions : les précédentes versions du projet de loi tendaient à limiter les exceptions à la nécessité urgente de prévenir une “atteinte grave à la personne”. Encore étaient-elles limitées par deux conditions cumulatives - qui ont également disparu de la dernière version du projet de loi. Le texte adopté par le Conseil des ministres ne précise plus, comme les versions précédentes, qu’”il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources”. Les adverbes étaient pourtant importants pour s’assurer que la loi ne réprime pas seulement les perquisitions ou saisies abusives de matériel journalistique, mais aussi les techniques d’espionnage plus sophistiquées et la recherche des lanceurs d’alerte. Avancée notable, l’autorisation préalable du juges des libertés et de la détention (JLD) reste en revanche nécessaire avant tout acte d’enquête ou d’instruction pouvant attenter au secret des sources. L’abandon du délit de recel de violation du secret professionnel, du secret de l’enquête ou du secret de l’instruction lorsqu’une information d’intérêt général est en jeu, a également été avalisé par le Conseil des ministres. Reporters sans frontières avait soumis des recommandations sur la protection du secret des sources au ministère de la Justice à toutes les étapes de la conception du projet de loi. (Photo: AFP Photo / Fred Dufour)
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Updated on 20.01.2016