Procès en appel du journaliste Solidzhon Abdourakhmanov : “La dernière voix indépendante du Karakalpakstan ne doit pas disparaître en prison”

Le 19 novembre 2008, devant la cour suprême du Karakalpakstan (république autonome, dans l'ouest du pays), s'ouvrira le procès en appel de Solidzhon Abdourakhmanov. Le journaliste et défenseur des droits de l'homme a été condamné le 10 octobre dernier à dix ans de prison pour un prétendu “trafic de drogue”. Pourtant, les chances sont bien minces de voir ce collaborateur de nombreuses organisations et médias indépendants, âgé de cinquante-huit ans et incarcéré depuis le 7 juin 2008, blanchi par la justice. “Etant données les incohérences de l'accusation et son incapacité à faire la preuve de la culpabilité de Solidzhon Abdourakhmanov, la moindre des choses serait que les poursuites engagées à son encontre soient abandonnées. Il s'agirait d'un signe que la justice refuse de se compromettre, en servant d'instrument de représailles contre des journalistes. La dernière voix indépendante du Karakalpakstan ne doit pas disparaître en prison”, a déclaré Reporters sans frontières. “Dans le cas où la cour confirmerait le verdict prononcé en première instance, nous pensons que l'Union européenne aurait toutes raisons de se poser enfin la question de savoir si la levée partielle des sanctions contre les dirigeants ouzbeks, décidée le 13 octobre dernier, est justifiée”, a poursuivi l'organisation de défense de la liberté de la presse. Le 10 octobre, Solidzhon Abdourakhmanov a été condamné à une lourde peine de privation de liberté, pour des faits que l'accusation n'a pas réussi à établir. Pour preuve, l'accusation initiale de “consommation de drogues sans intention de la revendre“ a dû être abandonnée. Les examens médicaux pratiqués, à deux reprises, sur le journaliste, ont en effet indiqué qu'il n'était pas et n'avait pas été un usager de stupéfiants. Il a alors été accusé de “trafic de drogue avec intention de la revendre” (article 25-273, paragraphe 5 du code pénal). Cent quatorze grammes de marijuana et cinq grammes d'opium cachés dans le coffre de la voiture du journaliste ont été “trouvés”, le 7 juin, par des policiers après un contrôle “de routine”, survenu le 7 juin, à Noukous. Alors que la voiture du journaliste avait été stoppée par la police de la circulation pour vérification des papiers du conducteur, des renforts ont été appelés. Ces derniers ont alors “découvert” des stupéfiants dans le coffre du véhicule, malgré l'absence de réaction des chiens censés découvrir ce type de substance. Lors du procès en première instance, la défense de Solidzhon Abdurakhmanov a demandé, à plusieurs reprises, que soit projetée une vidéo tournée avec une caméra digitale par la police pendant l'arrestation du journaliste. Mais l'accusation a toujours refusé que celle-ci soit versée au dossier et montrée. Néanmoins, à la fin du procès, l'accusation a produit deux cassettes VHS, sur lesquelles n'apparaissent ni le moment où la drogue aurait été trouvée, ni le passage au cours duquel les chiens ont inspecté le véhicule. Selon l'avocat du journaliste, une quarantaine de minutes manquent à ces films. Ces éléments renforcent l'hypothèse que cette arrestation n'ait rien eu d'un contrôle de routine mais qu'elle était au contraire planifiée. Enfin une question demeure : pourquoi l'accusation refuse-t-elle de voir projeter la totalité de la séquence filmée ?
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Updated on 20.01.2016