Pour la première fois la Turquie commémore les déportations d'Arméniens en 1915

Trois manifestations se sont déroulées le 24 avril dernier, alors que le gouvernement turc refuse toujours de reconnaître le terme de génocide. Le collectif des mères des disparus a rendu hommage aux milliers de victimes arméniennes sur la place Galatasaray à Istanbul. Devant la gare d'Istanbul, c'est un hommage aux 220 intellectuels déportés vers les provinces d'Ayas et de Cankiri qui a été rendu. C'est en début de soirée, à 19h, qu'a eu lieu le rassemblement le plus important. Sur la place Taksim, dans le district de Beyoglu, plus de 500 personnes, assises par terre, ont affiché leur peine et leur douleur autour de bougies symboliques. Des groupuscules nationalistes ont tenté de perturber ces manifestations, mais les forces de l'ordre sont intervenues de manière efficace. Ces rassemblements ont eu lieu à l'appel de 67 intellectuels reconnus. Parmi eux se trouvent le journaliste Ahmet Insel, la chroniqueuse Perihan Magden. L'avocat de la famille du journaliste Hrant Dink tenait également à ce que cette commémoration ait lieu. Ces commémorations apparaissent comme une avancée considérable sur la liberté d'expression sur le "génocide" arménien. Malgré tout, Reporters sans frontières tient à rappeler que les journalistes et journaux arméniens en Turquie sont régulièrement les cibles de violences et de répressions. ------------------------------------------------------------- 22.04.2010 : Assassinat de Hrant Dink : le journaliste et écrivain Nedim Sener dans la tourmente Le 28 avril 2010, aura lieu l'un des trois procès lancés contre Nedim Sener, journaliste et écrivain turc. Reporters sans frontières espère que les autorités judiciaires abandonneront toutes les poursuites à l’encontre du journaliste d’investigation et qu'elles s'attacheront davantage à faire la lumière autour de l'assassinat de Hrant Dink. La justice tarde à être rendue dans cette affaire, les autorités s'éparpillant dans des accusations secondaires contre des journalistes, que l'organisation considère comme étant injustifiées. "Tant que les autorités judicaires n’auront pas fait toute la lumière sur la mort du journaliste d’origine arménienne et, en particulier, tant que les responsables politiques et les policiers impliqués dans ce crime n'auront pas été mis en examen, les accusations adressées à Nedim Sener resteront prématurées et injustifiées. Reporters sans frontières demande l’abandon des poursuites contre l'écrivain, qui souhaitait mettre un terme à l’impunité régnant dans l’affaire Dink depuis trois ans." L'organisation formule les mêmes attentes quant aux accusations formulées à l'encontre de Kemal Göktas. Dans son livre « Assassinat de Hrant Dink : Médias, Justice et Etat », publié en juin 2009, ce dernier développait la thèse de la responsabilité de l'Etat et du pouvoir judiciaire turcs dans l'assassinat de Hrant Dink. Il risque 5 ans de prison. Pour un seul et même livre, "L'assassinat de Dink et les mensonges du service des renseignements", Nedim Sener encourt jusqu'à 32 ans d'emprisonnement, toutes accusations confondues. Le journaliste est actuellement en liberté et tente, tant bien que mal, de poursuivre son activité. Reporters sans frontières espère que le verdict, qui tombera dans les prochains jours, sera le reflet d'une justice équitable et proportionnée. Devant la 2e chambre du tribunal correctionnel d'Istanbul, Nedim Sener est accusé d'"offense à un fonctionnaire d'Etat", "violation du secret de la correspondance privée" et "tentative d'influencer un procès". Il risque 8 huit ans de prison, pour avoir écrit ce qu'il pensait. Dans son livre, le journaliste sous-entendait qu'Ali Fuat Yilmazer, chef de section du renseignement général, avait dissimulé un rapport attestant des menaces à l'encontre de Hrant Dink. Au lieu d'envoyer ces informations à sa hiérarchie comme l'exige la procédure, celui-ci aurait classé le rapport. Nedim Sener a déclaré, le 15 avril, lors d'une audience, qu'il n'avait aucunement l'intention d'interférer dans l'enquête sur la mort du journaliste. Il souhaitait simplement que son témoignage et les révélations contenues dans le livre aident à faire la lumière sur l'assassinat. Le journaliste est également accusé devant la 11e chambre de la cour d'assises d'Istanbul d'avoir "obtenu des documents classés confidentiels", de les avoir publiés, et, par cela, "d'exposer un fonctionnaire qui lutte contre le terrorisme à l'action d'une organisation terroriste". Il encourt pour ces charges jusqu'à 20 ans d'emprisonnement. Enfin, devant la 2e chambre du tribunal correctionnel de Bakirkoy (quartier d'Istanbul), il risque jusqu'à quatre ans et demi pour avoir violé une interdiction de publication. Hrant Dink, créateur du journal Agos, a été abattu le 19 janvier 2007, à quelques pas de la rédaction. Prônant la réconciliation nationale, le journaliste d'origine arménienne avait reçu, à plusieurs reprises, des menaces émanant de groupes d'extrême droite. Dans ses articles, Hrant Dink appelait à la reconnaissance du génocide arménien, sujet plus que sensible en Turquie. Malgré un climat de tensions, il avait toujours refusé de quitter son pays.
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Mise à jour le 20.01.2016