Pérou : RSF dénonce des poursuites judiciaires abusives contre deux journalistes

Les cas récents de procès en diffamation pour les journalistes péruviens Ronald Daniel Ormeño et Milagros Rodriguez Hidalgo préoccupent sérieusement Reporters sans frontières (RSF), qui appelle les autorités à dépénaliser au plus vite les délits de presse.

Le journaliste Ronald Daniel Ormeño, directeur de l’hebdomadaire Prensa al Día, a été condamné à un an de prison avec sursis et à payer une amende pour ‘réparation civile’ de 10 000 Soles (environ 2 600 euros) pour une affaire de diffamation. Ormeno est accusé par l’avocate Mirtha Nancy Toledo Morales d’avoir publié un article, le 15 octobre 2013, lui reprochant d’avoir menti sur ses diplômes, et pointant des irrégularités dans la gestion de l’Universidad Católica Los Ángeles de Chimbote (Uladech), dont elle est administratrice. Ormeño a dans un premier temps refusé de s’acquitter de l’amende, ce qui lui a valu d’être placé en détention le 4 septembre dernier. Son incarcération a duré deux semaines, le temps pour lui de faire appel à sa famille et ses proches pour récolter les fonds financiers nécessaires. Ormeño est aujourd’hui en liberté, mais les charges qui pèsent sur lui n’ont pas été abandonnées.


Le 12 septembre 2016, la journaliste Milagros Rodriguez Hidalgo, reporter pour le quotidien Diario Tumbes 21 et présentatrice de l’émission “En ContactoTv”, de la chaîne La Hechicera TV, s’est retrouvée à son tour dans le collimateur de la Justice, accusée de diffamation. La plainte a été déposée par Pedro Octavio Mejía Reyes, haut fonctionnaire du gouvernement régional de Tumbes (nord-ouest), qui demande des dommages et intérêts s'élevant jusqu’à 100 000 Soles (26 000 euros). Milagros Rodriguez avait dénoncé en mai 2016 des malversations et des détournements de fonds au sein de l’administration locale. A la suite de ses reportages, Milagro Rodriguez a été menacée à plusieurs reprises, au travers de messages d’intimidation anonymes, et a signalé être marginalisée et empêchée de couvrir les sujets liés aux pouvoirs publics.


Reporters sans frontières réitère son appel au gouvernement péruvien à respecter les normes internationales en matière de liberté d’expression et à dépénaliser les délits de presse, déclare Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine de l’organisation. Les procédures judiciaires prononcées contre Ormeño et Rodriguez sont largement disproportionnées. Ces procès, qui doivent être requalifiés du pénal au civil, symbolisent l’instrumentalisation de la justice comme outil de représailles et de censure de la part des autorités. C’est un signal extrêmement négatif pour la liberté de la presse au Pérou.”


Le Pérou doit clarifier au plus vite sa position sur la criminalisation des délits de presse, pour ne pas entraver le travail des journalistes. Rappelons que le 3 mai 2016, le journaliste Rafo León était condamné à un de prison avec sursis pour diffamation contre sa consoeur Martha Meier Miró Quesada, une sentence finalement annulée par la Cour d’appel le 8 septembre. Le 18 avril, le journaliste Fernando Valencia était condamné à 20 mois de prison avec sursis dans une affaire de diffamation impliquant l’ancien président du Pérou, Alan Garcia. Une sentence elle aussi annulée quelques mois plus tard, le 09 août 2016.


Le Pérou se situe à la 84ème position sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2016 établi par Reporters sans frontières.

Publié le
Mise à jour le 05.10.2016