Pékin étend la censure et multiplie les représailles à l’encontre des voix dissidentes

Lire en chinois / 看中文 Reporters sans frontières appelle la communauté internationale à réagir à la censure tous azimuts exercée par le gouvernement chinois sur l’information: du blocage de sites à la censure préalable de réseaux sociaux jusqu’au licenciement des journalistes qui s’occupent d’affaires sensibles, les autorités redoublent d’effort pour faire taire toute critique ou voix indépendante, en profitant de l'indifférence générale de la communauté internationale, et en particulier des institutions onusiennes. “Les derniers événements témoignent du maintien du contrôle global de l’information et des conséquences qui continuent de peser sur ceux qui s’arrogent un tant soit peu de liberté de ton. Pékin ne relâche pas sa censure, mais au contraire semble déterminer à la renforcer sur tous types de média, presse imprimée ou en ligne, national ou étranger. Le silence de la communauté internationale est inquiétant et n’arrange rien. Nous avons félicité les travaux du rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, mais regrettons que la censure en Chine et les conditions de travail des journalistes chinois et étrangers y soient si peu mentionnés. Il est urgent que l’Unesco et le Conseil des droits de l’homme se saisissent de ces questions et condamnent la censure, les arrestations et les condamnations des journalistes, écrivains ou blogueurs qui ne font que leur travail d’information”, a déclaré Reporters sans frontières. Un journaliste licencié pour avoir critiqué le parti Le 2 juillet 2012, Shi Junrong 石俊荣, journaliste du Xi'an Evening News (西安晚报), basé à Wei'an, dans le Shaanxi (Nord), a été suspendu de ses fonctions pour avoir publié, le 27 juin, un article sur le montant élevé des dépenses effectuées lors d’une réunion locale du parti communiste, pour l’achat de cigarettes à destination des cadres participant au meeting. Comme pour le journaliste de la télévision d’état CCTV, Zhao Pu 赵普, éloigné de ses fonctions le 9 avril 2012, il n’est pas certain que Shi Junrong pourra reprendre son travail au sein de son média, la “suspension” pouvant être définitive. La presse étrangère sous pression Le 29 juin 2012, le site d’information du groupe Bloomberg 彭博, spécialisé dans l’économie et la finance, a publié une enquête sur la fortune de la famille de Xi Jinping 习近平, vice-président de la République populaire de Chine et successeur annoncé de Hu Jintao 胡锦涛 au secrétariat général du Parti et à la présidence du pays. L’article détaille la nature des investissements et des sources de revenu de la famille Xi. Il précise notamment qu’aucun de ces biens n’est directement lié à Xi Jinping ni à son épouse ou sa fille, mais sont déclarés comme propriétés de la famille de la sœur aînée du vice-président. Le site Internet de Bloomberg a été censuré le jour même de la publication, et rendu inaccessible en Chine continentale. Le 30 juin, le mot clé “Xi Jinping” a été filtré sur les moteurs de recherche. Ce blocage suit de quelques jours celui du nouveau compte Weibo du New York Times. Le 26 juin, le journal a lancé sa version chinoise en ligne (cn.nytimes.com), ainsi que son compte sur le réseau social Sina Weibo. En quelques heures, les fonctions “commentaire” et “transfert” ont été retirées du compte, avant que le compte lui-même ne soit temporairement bloqué. Capture d'écran en chinois, ou en anglais. Ce blocage inexpliqué est en contradiction avec le nouveau système de points établi par Sina Weibo le 28 mai dernier, selon lequel le New York Times, en cas de “violation” des règles régissant le réseau social n’aurait dû être passible que d’un simple retrait de points. Weibo, outil de dissuasion policière Au contrôle du réseau social le plus en vogue du pays, s’ajoute son utilisation par les autorités, pour dissuader toute activité “illégale” de la société civile chinoise. Le 3 juillet, suite à des manifestations le jour précédent dans la ville de Shifang (Sichuan, Sud-ouest) contre la construction d'une usine, la police locale, a mis en garde les habitants en publiant un message sur la plateforme de microblog Sina Weibo, les sommant de ne pas poursuivre d’”activités illégales”. Dans sa note publique (chinois / 中文), la police n'a pas oublié quel rôle Internet et les outils de communication pouvaient avoir en matière de mobilisation citoyenne: “Article 1 – Tous ceux qui incitent à, planifient ou organisent des rassemblements illégaux et des manifestations, en utilisant internet, des téléphones portables et d'autres méthodes, doivent immédiatement arrêter leurs activités illégales et prendre des mesures pour éliminer leur influence. Autrement, une fois les faits vérifiés , ils seront traités selon la loi.” (一、凡正在通过互联网、手机短信息和其它方式煽动、策划或者组织非法集会、游行、示威者,必须立即停止违法活动,并自行采取措施消除影响。否则,一经 查实,将依法处理。) Dans un autre message (chinois / 中文), la police ordonne également aux internautes de ne pas répandre de “fausses rumeurs”, sous peine de sanctions (请广大市民不信谣、不传谣。任何谣言制造者将依法查处。) Suite à ces événements, la construction de l’usine a été temporairement suspendue. Le blocage du site de Bloomberg et l’interruption d’accès au compte Sina Weibo du New York Times s’inscrivent dans un climat de surveillance de plus en plus insupportable pour les médias étrangers en Chine. Deux mois auparavant, le service en anglais d’Al Jazeera à Pékin a été contraint de fermer, suite à l’expulsion de la journaliste Melissa Chan. La journaliste avait fait l’objet d’une vague de dénigrement en ligne tandis qu’une “campagne de 100 jours” contre les étrangers résidant ou travaillant “illégalement” sur le territoire était lancée. La Chine fait partie de la liste des pays ennemis d’Internet établie en 2012 par Reporters sans frontières et se situe à la 174e place, sur 179 pays recensés, dans le classement mondial de la liberté de la presse 2011-2012.
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Updated on 20.01.2016