"Nous n'avons rien à cacher" : le président Omar al-Béchir répond à trois questions de Reporters sans frontières

Lors d'une visite au Soudan, du 17 au 22 mars 2007, Reporters sans frontières avait adressé trois questions au président Omar al-Béchir sur les problèmes qui se posent aux médias internationaux et nationaux, dans le but de les intégrer dans son rapport de mission "Darfour : enquête sur les acteurs oubliés d'une crise". Sans réponse de la présidence, l'organisation avait choisi de publier le rapport, le 17 avril. Fin mai, le président soudanais a néanmoins fait parvenir ses réponses. Reporters sans frontières - De nombreux journalistes, qui se sont vu refuser l'entrée au Soudan, couvrent la crise depuis le Tchad ou pénètrent sur le territoire soudanais illégalement. Du coup, les informations qu'ils diffusent sont incomplètes, ce dont le gouvernement soudanais se plaint régulièrement. Ne vaudrait-il pas mieux, pour le gouvernement du Soudan, faciliter l'accès du territoire soudanais à la presse internationale, de façon à montrer qu'il n'a rien à cacher et, ainsi, faire valoir son point de vue ? Omar al-Béchir - Bien entendu, nous n'avons rien à cacher... Des dizaines de médias et de journalistes étrangers sont entrés dans notre pays. En suivant les règles et les formalités, ils ont pu aller là où ils le souhaitaient durant leur visite et rencontrer tous ceux qu'ils souhaitaient voir. Puis, ils sont rentrés dans leur pays. Ils ont publié ce qu'ils ont publié et ils ont omis ce qu'ils ont omis, dénaturé ce qu'ils ont dénaturé... Malgré cela, nos portes sont toujours ouvertes à tous les médias internationaux, même ceux qui nous montrent de l'hostilité et qui altèrent notre image. Nous espérons que tout le monde fera preuve d'honnêteté et de professionnalisme. Reporters sans frontières - La presse soudanaise se plaint, entre autres, du peu de moyens matériels et financiers dont elle dispose pour couvrir l'actualité dans le pays, et notamment dans les Etats du Darfour. Le gouvernement entend-il soutenir financièrement les médias soudanais, de manière à leur permettre d'envoyer des journalistes sur le terrain et rendre compte de la réalité du conflit ? Omar al-Béchir - Dans notre pays, il y a une cinquantaine de quotidiens publiés par des institutions aux capacités financières similaires. L'État n'est propriétaire d'aucun journal. Toutes les facilités sont accordées pour que chaque journal ou journaliste puisse se rendre sur le terrain. Nous oeuvrons à la promotion de la presse, mais d'une presse qui comble les attentes des lecteurs... Nous avons remarqué que les bénéfices des ventes de certains journaux n'étaient pas réinvestis dans le secteur de la presse. En soi, cela prouve que les patrons de presse manquent de la volonté de développer leurs entreprises. D'un autre côté, comment pourrait-on soutenir tous ces journaux alors que nous avons un budget limité ? D'autre part, comment pourrions-nous en sélectionner certains et pas d'autres ? Comment pourrions-nous garantir que ce que publie un journal, qui serait seul à être subventionné, ne serait pas considéré comme étant à la solde du gouvernement ? Cela serait une situation douteuse et nous ne voulons pas nous engager dans cette voie, si ce n'est d'une manière transparente et juste. Il faut rappeler que, dans de nombreux cas, le ministère des Finances paye déjà les licences des journaux. D'abord pour rendre service au lecteur, et ensuite au journal. Reporters sans frontières - Plusieurs radios étrangères diffusent librement leurs émissions au Soudan. Toutefois, la radio de la Fondation Hirondelle et des Nations unies, Radio Miraya, n'a pas l'autorisation de diffuser ailleurs que dans le sud du pays. Pour quelle raison le gouvernement ne permet-il pas à Radio Miraya de diffuser ses programmes sur l'ensemble du territoire, et notamment dans le Nord et l'Ouest ? Omar al-Béchir - Le droit de diffusion terrestre et satellitaire est régi par des lois, appliquées par les services spécialisés. En ce qui concerne la chaîne des Nations unies, elle dispose d'un statut un peu particulier, puisqu'elle est mandatée pour couvrir les accords de paix avec le Sud, et de ce fait se limite à cette région du pays. Le rôle de cette chaîne, et de ses envoyés spéciaux, est de surveiller le cessez-le-feu dans le sud du pays, de diriger les populations vers des zones sans risques et de les rassurer.

Publié le
Mise à jour le 20.01.2016