Narodnaya Volya et Nasha Niva condamnés à payer des amendes

Les pressions sur Narodnaya Volya et Nasha Niva se poursuivent, malgré l’abandon des procédures de fermeture le 15 juillet dernier (voir ci-dessous). Les deux journaux indépendants ont été condamnés à payer une amende de 14 millions de roubles (soit 2000 euros) pour avoir reçu plusieurs avertissements du ministère de l’Information ces derniers mois. Narodnaya Volya a décidé de faire appel de cette décision. “Deux semaines après avoir donné des signes encourageants aux journaux, le pouvoir fait une nouvelle démonstration de force en infligeant une amende qui pénalise le travail des journalistes. Nous demandons à la justice de revenir sur cette décision injuste et disproportionnée”, a déclaré Reporters sans frontières. ----------- 15.07.2011-Nasha Niva et Narodnaya Volya ne sont plus menacés de fermeture Reporters sans frontières salue la décision du ministère de l’Information bélarusse de retirer ses plaintes contre les journaux indépendants Nasha Niva et Narodnaya Volya, menacés de fermeture depuis le 25 avril 2011 (voir communiqué ci-dessous). Le ministère de l’Information a retiré ses plaintes lors des audiences des 12 et 13 juillet 2011 auprès de la Cour économique suprême. Cette décision est un “rare exemple de bon sens” selon Andreï Skurko, rédacteur en chef de Nasha Niva. Il estime que “la pression de l’opinion publique sur les autorités et les nombreuses lettres de soutien des lecteurs ont sans doute été pour beaucoup dans cette décision surprenante de la part des autorités bélarusses”. Les deux journaux continuent néanmoins d’être victimes de pressions. Le rédacteur en chef de Narodnaya Volya, Iosif Syaredzich, a annoncé que le journal pourrait recevoir prochainement une amende pour de supposées “violations techniques” de la loi sur les médias. De nouveaux avertissements ont été adressés aux médias, Nasha Niva pour n’avoir pas indiqué son numéro d’enregistrement dans une de ses dernières publications et Narodnaya Volya pour avoir fait une erreur de date dans une récente publication. En début de semaine, les rédactions ont reçu la visite d’officiels leur annonçant la possible tenue de procès pouvant déboucher sur des amendes. Reporters sans frontières suivra avec attention ces nouveaux développements. Selon l’article 51 § 2.2 de la loi bélarusse sur les médias de masse, un titre ayant reçu plus de deux avertissements du ministère de l’Information en un an est passible de fermeture. Nasha Niva ayant reçu trois avertissements et Narodnaya Volya quatre avertissements, le ministère de l’Information avait requis la fermeture des deux journaux en avril. ------------- 28.04.2011-Les deux principaux journaux indépendants menacés de fermeture « La fermeture de Nasha Niva et de Narodnaya Volya serait une décision extrêmement grave. La perte de ces deux hebdomadaires majeurs, qui représentent près de la moitié du tirage national indépendant, serait fatale au pluralisme déjà extrêmement limité de la presse bélarusse », a déclaré Reporters sans frontières. Le 25 avril 2011, le ministère de l’Information bélarusse a requis la fermeture des deux journaux auprès de la Cour économique suprême. Cette demande se fonde sur l’article 51, § 2.2 de la Loi sur les médias de masse, qui stipule que tout média ayant reçu deux avertissements du ministère de l’Information en un an peut être fermé. Reporters sans frontières a dénoncé à plusieurs reprises cette loi scélérate, qui constitue avant tout un formidable moyen d’intimidation des médias indépendants. En effet, les avertissements sont le plus souvent politiquement motivés, et la sanction n’étant pas automatique, son application relève de l’arbitraire le plus total. C’est déjà cette disposition qui a contraint à la fermeture la station indépendante Avtoradio en janvier 2011. Et la dernière requête du ministère de l’Information n’est que la conséquence logique de l’avalanche d'avertissements qui s’est abattue sur les médias indépendants suite à l’attentat du métro de Minsk le 11 avril 2011. Avant de se voir réprimandés une troisième fois en avril, chacun des deux titres avait déjà reçu deux avertissements depuis un an. Nasha Niva avait été ciblé pour avoir mentionné un documentaire très critique sur le président Aleksandr Loukachenko, produit par la chaîne russe NTV mais censuré au Bélarus. Narodnaya Volya avait quant à lui été mis en cause pour avoir mentionné une campagne d’opposition pour la démission de M. Loukachenko (lien), et « discrédité l’Armée rouge » en publiant le récit d’une enfance pendant la Seconde Guerre mondiale. Les deux journaux sont ciblés dans le cadre d’une campagne plus large contre l’ensemble des médias indépendants qui subsistent au Bélarus. Pour Iosif Syaredzich, le rédacteur-en-chef de Narodnaya Volya joint au téléphone par Reporters sans frontières, ces avertissements sont « absurdes et tirés par les cheveux. (…) Notre journal n’a jamais appelé à la violence ou à de quelconques actions illégales ». Son homologue de Nasha Niva, Andrey Skurko, estime pour sa part que ces attaques témoignent de « l’effort des autorités pour contrôler la circulation de l’information, dans un contexte de préoccupation croissante du public pour les problèmes sociaux et économiques. (…) Le pouvoir veut que le point de vue officiel domine dans la société. » « Nous en appelons aux juges de la Cour économique suprême pour rejeter cette requête inique, qui marque la détermination du pouvoir à venir à bout des derniers îlots de liberté dans le pays », a déclaré Reporters sans frontières. Cependant, les experts consultés par l’organisation estiment que les deux titres ont peu de chances de l’emporter face au ministère de l’Information. Le juriste et directeur adjoint de l’Association bélarusse des journalistes (BAJ) Andrey Bastunets souligne que depuis 2004, les tribunaux ont confirmé en appel tous les avertissements reçus par les médias indépendants. La seule exception est Avtoradio, qui avait dans un premier temps obtenu l’annulation de son avertissement… avant que celui-ci ne soit finalement confirmé en second appel. Par ailleurs, relève M. Bastunets, le verdict ne sera pas rendu sur le fond : « Pour ordonner la fermeture des journaux, la Cour doit seulement établir le fait qu’ils ont reçu au moins deux avertissements en un an. Sa décision sera donc purement technique. » Cette menace de fermeture contre des figures majeures du paysage médiatique bélarusse est symboliquement très forte, et ouvre la voie à des procédures similaires contre d’autres titres. Narodnaya Volya est le principal journal indépendant par son tirage (50 000 par semaines). Fondé en 1906, Nasha Niva a une moindre diffusion (entre 7000 et 8000 par semaine), mais c’est une référence qui compte parmi les plus anciens hebdomadaires du pays. À eux deux, les journaux représentent près de la moitié du tirage de la presse indépendante nationale (130 000 exemplaires par semaine). De fin 2005 à fin 2008, les deux titres ont déjà été retirés du circuit de distribution officiel « Belpochta » (abonnement et vente en kiosque), entièrement contrôlé par le pouvoir. Pendant deux décennies, de singuliers espaces de liberté surveillée se sont maintenus au cœur de la dictature autocratique post-soviétique bélarusse. Mais depuis la réélection contestée du président Aleksandr Loukachenko en décembre 2010, le pays semble s’être complètement coupé de ses voisins européen et russe, et s’enfonce dans une répression aveugle.
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Mise à jour le 20.01.2016