Monsieur le Premier ministre Justin Trudeau, la liberté de la presse au Canada doit être défendue

Reporters sans frontières (RSF) et d’autres organisations internationales de défense de la liberté de la presse exhortent Justin Trudeau, Premier ministre canadien, à remédier à la situation grave que connaît le Canada en matière de défense de la liberté de la presse. Le pays a perdu 4 places au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF pour 2017.

Monsieur le Premier ministre


Nous saluons la déclaration que vous avez faite, le 3 mai, à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Vous avez alors exprimé en des termes forts votre soutien à la liberté de la presse et avez souligné le rôle primordial des journalistes dans le fonctionnement d’une démocratie. Vous avez également rappelé l’importance de “jeter un regard critique sur l’état actuel de la liberté de la presse”. Faire ce rappel est en effet essentiel, en particulier pour les grandes démocraties comme le Canada. Il peut en effet être facile de se complaire dans l’idée que nos libertés et nos droits, durement acquis, sont en bon état, et que les atteintes aux droits des journalistes ont lieu uniquement “ailleurs dans le monde”.


En tant que défenseurs de premier plan de la liberté d’expression et de la presse, nous sommes confrontés chaque jour à des journalistes, des reporters ainsi qu’à tous les citoyens canadiens qui tentent d’exercer leurs droits fondamentaux et qui doivent faire face aux obstacles et aux ingérences des agents de leur propre gouvernement. Vous avez récemment déclaré que “la liberté journalistique est généralement reconnue et respectée au Canada”.


Bien que cette affirmation soit exacte à de nombreux égards, elle ignore toutefois les problèmes rencontrés systématiquement par les journalistes au Canada et ne prend pas en compte les nombreuses violations de la liberté de la presse recensées dans le pays au cours des seuls 18 derniers mois. Comme vous le savez, le 26 avril, Reporters sans frontières a publié son Classement mondial de la liberté de la presse 2017 établi en fonction du niveau de liberté accordé aux journalistes dans chacun des 180 pays répertoriés. Cette année, le Canada a chuté de la 18e à la 22e place. Il y a seulement deux ans, votre pays figurait parmi les dix premiers du Classement et était l’un des meilleurs pays du monde pour les journalistes. Force est de constater que la liberté de la presse est en grave déclin au Canada. Votre gouvernement doit mener des actions de toute urgence pour la restaurer.


Remédier à cette situation, et faire en sorte que le Canada retrouve sa place de leader mondial en matière de liberté de la presse, est une lourde tâche qui incombe au gouvernement, aux acteurs de la société civile et aux citoyens. Mais, dans l’immédiat, votre gouvernement a le pouvoir de changer les choses rapidement, en inscrivant dans la loi des améliorations concrètes pour les journalistes.


Le 3 mai 2017, le projet de loi S-231 sur la protection des sources journalistiques a été adopté en première lecture à la Chambre des communes. Cette législation confère aux journalistes des protections légales dont ils ont besoin de manière urgente. Elle leur permettrait notamment de ne plus être considérés comme des criminels lorsqu’ils protègent la confidentialité de leurs sources. Elle rendrait également plus difficile pour les policiers d’obtenir un mandat de perquisition concernant un journaliste ou une décision d’un tribunal autorisant sa mise sur écoute ou la saisie d’informations en sa possession. Votre gouvernement doit absolument soutenir l’adoption de ce projet de loi qui ouvrirait la voie à un renouveau de la liberté de la presse au Canada.


Le 3 mai, vous avez déclaré à la Chambre des communes que “les journalistes devraient évidemment être en mesure de protéger la confidentialité de leurs sources”. “C’est une chose en laquelle notre gouvernement croit fortement et que nous continuerons à défendre et à soutenir, pas seulement ici au Canada mais partout dans le monde”, avez-vous plaidé. Le projet de loi S-231 n’est pas un remède à tous les maux des journalistes au Canada, mais son adoption serait une avancée et permettrait à votre pays de se conformer aux standards internationaux en matière de protection des sources. Cela prouverait également la sincérité de l’engagement de ce gouvernement en faveur de la liberté de la presse. Nous vous demandons instamment d’adopter ce projet de loi.


Cordialement,


Alice Klein, Présidente, CJFE

John Hinds, Directeur général, Newsmedia Canada

John Fraser, Président directeur général, National NewsMedia Council

Howard Law, Directeur en charge du secteur des médias, Unifor

Tim McSorley, Coordonnateur national, Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles

Bruce D. Brown, Directeur général, Reporters Committee for Freedom of the Press

Thomas S. Saras, Président directeur général, Conseil national de la presse et médias ethniques au Canada

James L. Turk, Directeur, Centre for Free Expression

Caroline Locher, Directrice générale, Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ)

Philippe Leruth, Président, Fédération internationale des journalistes (FIJ)

Simon Van Vliet, Président, Association des Journalistes Indépendants du Québec (AJIQ)

Martin O'Hanlon, Président, CWA/SCA Canada

Christophe Deloire, Secrétaire général, Reporters sans frontières (RSF)

Kamala Rao, Président, Canadian Media Guild (CMG)



Image credit: CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Publié le
Mise à jour le 10.05.2017