Menaces de mort et blocages de médias: les atteintes à la liberté de la presse se multiplient au Yémen

Reporters sans frontières condamne avec la plus grande fermeté la multiplication des récentes violations de la liberté de la presse et des atteintes à la profession de journaliste constatées au Yémen. Ces évènements interviennent dans un contexte politiquement tendu à l’approche de l’élection présidentielle du 21 février prochain. Quatre journalistes et activistes blogueurs sont actuellement menacés de mort suite à la publication d’une fatwa, début février, par de hauts dignitaires religieux. Ce texte encourage explicitement leur assassinat ainsi que la fermeture des journaux et des sites Internet qui ont publié leurs écrits.
C’est la publication, le 11 janvier 2012 sur le site Al-Tagheer Net, de l’article de la journaliste et écrivaine Bashra Al-Moqtari, intitulé “Première année d’une révolution”, qui a provoqué la colère des leaders religieux et des membres du parti islamiste Al-Islah. La journaliste exprimait toute la frustration et la déception d’un peuple qui se voit confisquer sa révolution et incite les Yéménites à ne pas se satisfaire d’une “révolution blanche”. Dans son article, Bashra Al-Moqtari déplore que “les voleurs de révolutions se soient emparés de la révolution des Yéménites”, et exhorte le peuple à descendre dans les rues pour poursuivre le combat pour la liberté, car elle refuse de vivre “la tragédie de l’agonie, une tragédie perpétrée par les élites politiques, des dignitaires religieux et des soldats”. Fakri Qassam, journaliste intellectuel et directeur de rédaction d’un journal indépendant de la ville de Taëz, Mohssein Aeyd, écrivain satirique, et Sami Shamssan, activiste sur la toile, sont également visés par cette fatwa.
Reporters sans frontières condamne avec fermeté la publication d’une telle fatwa qui vise à museler les journalistes et activistes qui dénoncent la confiscation de la révolution et ne se satisfont pas de l’accord conclu le 23 novembre 2011 à l’initiative du Conseil de coopération du Golfe.
Par ailleurs, de nombreux journaux restent la cible d’intimidations et d’attaques répétées de la part de partisans d’Ali Abdallah Saleh, actuellement aux Etats-Unis pour se faire soigner. Le 2 février dernier, tôt dans la matinée, des manifestants armés ont encerclé le bâtiment de la rédaction du journal Al-Thawra à Sanaa, afin de protester contre la suppression de la photo de l’ancien chef d’Etat en Une du quotidien. Le rédacteur en chef, Yassin Al-Masroudi a été comparé à un traître et les journalistes ont été empêchés de se rendre sur leur lieu de travail. Le numéro publié le lendemain a été réalisé sous la supervision des partisans de Saleh qui avaient investi les locaux. Reporters sans frontières condamne ces pratiques dignes de l’ancien régime. Le syndicat des journalistes a annoncé le “gel des adhésions” des journalistes qui avaient soutenu cette initiative de blocus du journal Al-Thawra.
A Taëz (sud-ouest de Sanaa), le 4 février dernier, les bâtiments de la rédaction du journal Al-Jomhuryah ont également été le théâtre d’un blocus par des partisans armés d’Ali Abdallah Saleh, sous le regard complaisant des forces de l’ordre. Le directeur de rédaction, Samir Al-Yussoufi, aurait reçu des menaces de voir les locaux du journal bombardés. La veille, des dizaines d’individus armés ont pénétré dans les bureaux du journal à Sanaa.
Reporters sans frontières soutient la direction et le personnel du journal Al-Thawra et d’Al-Jomhuryah. Ces pratiques constituent des entraves graves à l’activité des médias dans le pays. “Les pratiques d’intimidations et les menaces de mort qui s’abattent sur les journalistes doivent cesser”, a déclaré l’organisation. La liberté d’expression et la liberté de la presse sont les conditions indispensables au changement dans un pays qui tente de se reconstruire après des années de pouvoir autoritaire et une année de répression.
Par ailleurs, le 4 février dernier, des manifestants ont pénétré à l’intérieur du bâtiment de la chaîne satellitaire yéménite afin d’empêcher le directeur du groupe de télévision d’accéder au siège. Il a fallu l’intervention des soldats pour qu’il puisse entrer. Ils revendiquaient le départ des dirigeants de trois chaînes officielles de télévision, Al-Yemen, Saba’ et Al-Iman, ainsi que le retour de l’ancien logo du groupe satellitaire.
Publié le
Updated on 20.01.2016