Maintien en détention des journalistes dans l’affaire Ergenekon, prochaine audience fin décembre

"Le procès n'en est qu'à ses prémisses, mais l'audience d'aujourd'hui conforte déjà nos pires craintes. Le maintien des journalistes en détention provisoire, alors que l'enquête est terminée, est absolument indigne. Rien ne le justifie. De plus, en organisant cette audience dans une salle exiguë, sans aucune retransmission à l'extérieur, la justice a montré une nouvelle fois qu'elle ignorait totalement le droit du public à l'information sur un sujet d'intérêt général", a déclaré Reporters sans frontières au sortir du tribunal. La 16ème chambre de la cour d’Assises d’Istanbul a décidé, le 22 novembre 2011, de maintenir en détention provisoire les dix journalistes et de reporter la prochaine audience au 26 décembre. La demande de révocation du président de la Cour adressée par les avocats de certains journalistes, dont Soner Yalçin, sera examinée par la 17ème chambre de la Cour d’Assises, en vertu de la Loi sur les procédures pénales (CMK). Le président de la Cour avait déjà condamné certains des prévenus dans le cadre d’autres procès de presse. Ce matin, de nombreux médias locaux et internationaux étaient présents à la conférence des organisations de défense de la liberté de la presse, à l’initiative de la plateforme “Liberté aux Journalistes” (GÖP), à laquelle s’est associée Reporters sans frontières. La plupart des journalistes et des représentants de ces organisations, dont Reporters sans frontières, Human Rights Watch (HRW), l’Assemblée des citoyens d’Helsinki, l’Association turque des journalistes (TGC), n’ont en revanche pu assister à la première partie de l'audience au Palais de justice de Caglayan (Istanbul, rive européenne). La capacité de la salle, absolument pas adaptée à un procès de cette envergure, et l’ordre du président de la Cour d’interdire toute personne debout ont suscité de vives protestations de la part des militants. L’interdiction a finalement été levée dans l’après-midi. Lors de la prochaine audience, le 26 décembre 2011, Ahmet Sik et Nedim Sener auront déjà passé dix mois en prison et Soner Yalçin onze mois. ---- 22.11.2011 Le procès d’Ahmet Sik et Nedim Sener s’ouvre aujourd’hui Le procès des journalistes d’investigation Ahmet Sik et Nedim Sener s’ouvre aujourd’hui devant la 16e chambre de la cour d’Assises d’Istanbul. Comparaissent également les collaborateurs du site odatv.com, Soner Yalçin (propriétaire), Baris Terkoglu, directeur de l’information, Baris Pehlivan, directeur de la publication, Dogan Yurdakul, coordinateur d’information et chroniqueur du site, ainsi les chroniqueurs Müyesser Yildiz, Coskun Musluk, Sait Cakir et Yalçin Küçük. Reporters sans frontières a fait une nouvelle fois le déplacement à Istanbul pour assister à la première audience, dans le cadre d’une délégation internationale à laquelle participent également des représentants du Parlement européen, de la Fédération européenne des journalistes (EFJ), de l’Institut international de la presse (IPI), de l’Association européenne des journalistes (AEJ) et de la plateforme turque "Liberté aux Journalistes" (GÖP). "Nous sommes ici pour rappeler toute l’attention que nous portons à ce procès, a déclaré le responsable du bureau Europe de Reporters sans frontières, Johann Bihr, avant le début de l’audience au Palais de justice de Caglayan. A deux reprises déjà, cette année, nous sommes venus à Istanbul exprimer notre préoccupation face aux vagues d’arrestations de journalistes et notre solidarité avec la profession. Mais force est de constater que malgré la mobilisation inédite observée en Turquie et à l’étranger, aucun pas positif n’a été fait à ce jour. Bien au contraire, les arrestations ont repris de plus belle. Aujourd’hui, nous sommes en colère. Cela fait neuf mois qu’Ahmet Sik, Nedim Sener et leurs huit collègues sont emprisonnés sans aucune preuve. Près d’un mois que Ragip Zarakolu, figure de l’édition et de la presse libre dans ce pays, est incarcéré en dépit de son âge et de sa santé. C’est en années que se compte déjà la détention de bien d’autres journalistes comme Tuncay Özkan, Baris Açikel ou Vedat Kursun, dont beaucoup attendent toujours leur jugement. Ce constat est intolérable." "La justice avait promis des preuves tangibles pour justifier la détention provisoire des dix journalistes jugés aujourd’hui. Où sont-elles ? Contrairement à ce qui a toujours été affirmé par les autorités, c’est bien sur l’activité professionnelle des prévenus que se fonde le dossier d’inculpation. On leur reproche d’avoir critiqué le déroulement du procès Ergenekon et douté de l’impartialité de la justice. Certains d’entre eux sont accusés d’avoir couvert ces événements de façon militante. La justice portera une lourde responsabilité pour l’avenir démocratique du pays si elle ne remet pas immédiatement les prévenus en liberté." Le 16 novembre 2011, l'ouvrage d’Ahmet Sik, “L’armée de l’Imam”, a été présenté au Salon du Livre d'Istanbul, malgré son interdiction. La police avait saisi et cherché à éliminer toutes les copies informatiques de ce livre le 3 mars dernier, mais il avait tout de même été publié en ligne. Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières et Johann Bihr, responsable du bureau Europe de la même organisation, sont parmi les 125 signataires de la préface de l’ouvrage. L'organisation s'est par ailleurs associée à l'initiative de la plateforme turque "Liberté aux Journalistes" (GÖP) d'envoyer des cartes postales à tous les journalistes emprisonnés en Turquie à l'occasion de la fête du mouton (Bayram), il y a deux semaines, en signe de solidarité. Si elles prétendent réellement incarner un modèle démocratique régional, les autorités turques doivent de toute urgence mettre un terme au harcèlement judiciaire des professionnels des médias. Reporters sans frontières a publié, le 16 juin 2011, un rapport d’enquête sur cette question. Encore faut-il que les réformes nécessaires soient menées de manière inclusive, en concertation avec les acteurs concernés. "Les autorités ont annoncé qu'elles travaillaient à un projet de réforme du Code des procédures pénales et de la Loi antiterroriste. C'est un pas en avant très attendu, mais comment se fait-il que les médias, la société civile, qui sont intéressés au premier chef, n'aient jamais été consultés?" s'est interrogé le correspondant de Reporters sans frontières en Turquie, Erol Önderoglu.
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Updated on 20.01.2016