Lutte contre les Shebab: les médias somaliens dans la tourmente

Le 2 septembre, l’Agence nationale de la sécurité et des renseignements (NISA) a interdit aux médias nationaux de diffuser des informations concernant la milice islamiste shebab. Depuis, la répression s’intensifie : arrestations de journalistes et fermetures forcées de médias se multiplient. En Somalie, la lutte de l’Etat contre le groupe islamiste shebab passe désormais par les médias. Le 7 septembre au matin, la NISA a perquisitionné les bureaux de Radio Kulmiye et exigé l’arrêt des émissions. Son directeur, Osman Abdullahi Guure, a été interpellé, ainsi que le directeur de la radio d’Etat, Abdirahim Isse Addow. Les faits qui leur sont reprochés : la diffusion sur les ondes d’une déclaration du porte-parole des Shebab, confirmant la mort du chef du groupe et communiquant le nom du nouveau leader. Les deux journalistes ont été remis en liberté trois heures plus tard, et Radio Kulmiye a pu reprendre son activité. La veille, Radio SIMBA avait subi le même sort. Dans la soirée du 6 septembre, la NISA a débarqué dans les locaux de la radio et donné l’ordre de cesser d’émettre. Une partie de l’équipement a été confisqué, et trois journalistes de l’équipe, Abirahman Mohamed Olad, Sharmarke Mohamed Hussein et Mohamed Ahmed Sheik, ont été détenus. Radio SIMBA avait, elle aussi, relayé les propos du porte-parole des Shebab. Après une nuit en prison, les trois journalistes ont été remis en liberté, et la radio a pu reprendre ses émissions. Le matin même, un autre journaliste, Mohamed Bashir Hashi de Radio Shabelle, avait lui aussi été appréhendé par la NISA. Les raisons de son arrestation sont pour le moment inconnues, mais semblent liées à la fermeture violente des radios Shabbelle et Sky FM le 15 août. Trois journalistes de ces deux médias sont depuis incarcérés, et auraient été torturés. Mohamed Bashir Hashi est toujours derrière les barreaux. « Les médias n’ont pas à faire les frais de la lutte de l’Etat contre les Shebab, déclare Virginie Dangles, adjointe à la directrice de la Recherche de Reporters sans frontières. Les journalistes et médias ont relayé une actualité concernant les Shebab. Ce contenu éditorial était purement informatif. Il est scandaleux qu’ils soient interpellés simplement pour avoir fait leur métier. Il est indispensable que l’Etat, dans son affrontement contre les Shebab, respecte les droits fondamentaux, dont la liberté d’information ». Ces nouveaux développements font suite à l’arrestation, le 3 septembre, de Hassan Ali Gesey, directeur de Radio Dalsan et président de l’Association des médias indépendants de Somalie (SIMHA), et d’Abukar Muhyadin, journaliste à Radio Dalsan. La veille de son interpellation, Hassan Ali Gesey avait dénoncé l’interdiction par la NISA de couvrir l’actualité liée à la milice islamiste. Les deux journalistes avaient été relâchés quelques heures plus tard. Cette vague d’exactions intervient au moment où la Somalie tente de se doter d’une loi sur les médias. Un projet de loi, approuvé par le Conseil des ministres le 1er septembre, est désormais soumis au vote du Parlement. Nombre d’associations de la société civile ont condamné le caractère répressif de ce projet de loi, n’y voyant qu’une façon de museler la presse sous couvert de légalité. La Somalie occupe la 176ème place sur 180 pays dans le Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. (en photo: Hassan Ali Gesey)
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Mise à jour le 20.01.2016