Loi sur la prévention de la délinquance : un risque pour l'information citoyenne

Reporters sans frontières exprime son inquiétude après la validation par le Conseil constitutionnel, le 3 mars, de la loi sur la prévention de la délinquance. "Les internautes se voient désormais interdire de publier des vidéos montrant des violences sur personne, même si ces actes sont commis par les forces de police", a expliqué l'organisation.

Reporters sans frontières exprime son inquiétude après la validation par le Conseil constitutionnel, le 3 mars 2007, de la loi sur la prévention de la délinquance. "Les passages de ce texte censés traiter du 'happy slapping' ont en réalité une portée beaucoup plus large. Les internautes se voient désormais interdire de publier des vidéos montrant des violences sur personne, même si ces actes sont commis par les forces de police", a déclaré l'organisation. "Nous ne présumons pas des intentions du gouvernement et reconnaissons qu'il est nécessaire d'empêcher la propagation du 'happy slapping'. Mais cette loi introduit une distinction dangereuse entre les journalistes professionnels, autorisés à diffuser des images de violences, et les simples citoyens, qui risquent la prison pour les mêmes faits. Il est particulièrement regrettable que ce texte instaure une interdiction de faire circuler sur Internet les images d'éventuelles exactions commises par les forces de l'ordre", a ajouté l'organisation. La loi sur la prévention de la délinquance, adoptée le 13 février 2007, avait été portée devant le Conseil constitutionnel par le groupe socialiste à l'Assemblée. Mais la saisine ne portait pas spécifiquement sur le passage de la loi dédié au happy slapping. Le texte prévoit des peines allant jusqu'à cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende pour la diffusion d'images portant sur les infractions mentionnées dans les articles 222-1 à 222-14-1 et 222-23 à 222-31 du code pénal. Les délits concernés vont des actes de violence graves ("tortures" et "actes de barbarie") à de simples agressions. L'article 222-13 porte sur les violences "commises par un dépositaire de l'autorité publique (...) dans l'exercice (...) de ses fonctions". La loi précise que cette interdiction "n'est pas applicable lorsque l'enregistrement ou la diffusion résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public ou est réalisé afin de servir de preuve en justice". Le Happy slapping est l'agression physique d'une personne commise dans le but d'obtenir un film de cette agression. Le document vidéo est ensuite échangé par le biais de téléphones portables ou publié sur Internet. Reporters sans frontières rappelle que tous les internautes ont aujourd'hui la possibilité de participer à la création et à la diffusion de l'information. Ils sont parfois les "capteurs" d'un événement, grâce notamment aux téléphones portables capables d'enregistrer des images et des vidéos, et peuvent diffuser leurs propres contenus sur le Net. Ces "journalistes citoyens" ont notamment une fonction de surveillance de l'activité des pouvoirs publics partout dans le monde. En Egypte, par exemple, des blogueurs ont récemment révélé une série de scandales impliquant les services de sécurité et démontré, au moyen de vidéos tournées clandestinement dans des centres de détention, que la torture était encore régulièrement pratiquée dans ce pays. Dans le domaine des droits de l'homme, ce sont eux, et non des journalistes professionnels, qui ont été à l'origine des informations les plus fiables et les plus dérangeantes pour le gouvernement. Reporters sans frontières considère qu'il serait choquant que ce type d'activité, qui constitue un garde-fou important contre d'éventuelles dérives du pouvoir, soit criminalisée dans un pays démocratique. ------------ Lisez notre revue de blog internationale et créez votre blog sur : www.rsfblog.org
Publié le
Updated on 20.01.2016