Liberia : l’organisation des journalistes demande une enquête après les attaques de la présidence contre les médias

Pour avoir réclamé la réouverture de deux radios, à l’approche du scrutin présidentiel de 2017, un dirigeant de l’association des journalistes du Libéria a été menacé par la présidence. Reporters sans frontières (RSF) dénonce les pressions dont font l’objet les médias et les journalistes au Libéria.

Jallah E. Grayfield, vice-président de l’Union de la Presse au Liberia (PUL), organisation représentative des journalistes du pays, a demandé à la police l’ouverture d’une enquête après avoir fait l’objet de menaces dont de la part de Jerolinmek Piah, attaché de presse à la présidence libérienne. Le 6 septembre 2016, Jallah E. Grayfield a participé à une émission de débat avec le ministre de l’Information Isaac Jackson, sur la radio Prime 105.5 FM. Au cours du programme, il a critiqué la fermeture récente de deux radios privées par le gouvernement et appelé à leur réouverture, en dénonçant le caractère “non-démocratique” de cette décision.


Alors qu’il quittait la radio, Jallah E. Grayfield a reçu plusieurs SMS d’intimidation de l’attaché de presse de la présidence libérienne, Jerolinmek Piah. Ces messages l’accusent d’être “une honte” pour son organisation, et le préviennent qu’il va “sentir les conséquences de ce qu’[il] a commencé”. Inquiet parce qu’il considère cet épisode comme une nouvelle attaque du gouvernement contre les médias, Jallah E. Grayfield a demandé à la police l’ouverture d’une enquête.


“Il est inacceptable que ceux qui sont chargés de représenter et défendre la presse ne puissent exprimer leur opinion librement et fassent l’objet de menaces, déclare Reporters sans Frontières. Nous demandons à la présidence libérienne de mettre un terme à ce type de manœuvres qui discréditent toute son administration. Au moment où les électeurs libériens vont devoir faire des choix politiques en 2017, ils ont le droit d’avoir accès à toutes les opinions, même si celles-ci sont critiques et dérangent le pouvoir en place.”


Les deux radios qui gênent tant la présidence sont Voice FM, propriété d’un commentateur très connu au Liberia, Henry Costa, qui produit son show depuis les Etats-Unis où il réside, et LIB 24, qui appartient (ainsi que la chaîne de télévision LIB 24 TV) au politicien Benoni Urey, aspirant candidat à la future présidentielle.


Le 4 juillet 2016, la Liberia Telecommunications Authority (LTA), agence d’attribution des fréquences, avait obtenu du ministère de la Justice l’autorisation de faire fermer Voice FM pour “exploitation illégale” de sa fréquence FM et confisqué son matériel. Selon les gestionnaires de la radio, tous leurs efforts pour régulariser leur situation ont été refusés par l’administration, et le motif finalement invoqué n’est qu’un prétexte. La radio demeure fermée.


Le 13 août 2016, c’était le tour de LIB 24 d’être fermée, après une semaine de diffusion du Henry Costa Show, très critique de la présidente Ellen Johnson Sirleaf. Des agents de police et des services des renseignements avaient alors saisi le matériel de diffusion de LIB 24 et condamné les locaux, officiellement pour “arriérés d’impôts”.


Dans un point de presse, le directeur de la LTA, Henry Benson, avait annoncé qu’il durcirait les mesures contre les médias:. “La LTA a été établie pour réguler et continuera à le faire. Nous avons effectivement fermé Voice FM et en fermerons d’autres, car nous devons montrer que l’Etat de droit existe au Liberia.”


Le Liberia occupe la 93e place sur 180 au Classement mondial 2016 de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Mise à jour le 08.09.2016