Libérez les journalistes emprisonnés !

Quatre journalistes, emprisonnés injustement depuis de longs mois, ont comparu simultanément devant la justice, le 9 janvier 2013, dans trois affaires distinctes. Le procès de Hilal Mammedov (Хилал Маммадов), détenu depuis juin 2012, s’est ouvert à Bakou. De nouvelles audiences se sont tenues dans le procès des journalistes de Khayal TV, Vugar Gonagov et Zaur Guliyev (Вугар Гонагов и Заур Гулиев), incarcérés depuis mars 2012, et dans celui d’Avaz Zeynalli (Аваз Зейналлы), rédacteur en chef du quotidien Khural emprisonné depuis octobre 2011. Reporters sans frontières demande à nouveau leur libération immédiate et l’abandon de toutes les charges qui pèsent sur eux. « Avec Hilal Mammedov, c’est l’activisme et la défense des droits de l’homme qui sont à nouveau la cible des autorités de Bakou. Les journalistes de Khayal TV sont les boucs émissaires des affrontements politiques locaux. Et Avaz Zeynalli continue de payer le prix de ses critiques du régime, alors même que la personne à l’origine de son inculpation est aujourd’hui poursuivie par la justice. Rien ne justifie le maintien en détention provisoire de nos quatre confrères. Tout le temps qu’ils ont déjà passé derrière les barreaux n’a pas permis à la justice de réunir des éléments de preuve convaincants à l’appui des accusations absurdes et souvent contradictoires portées contre eux. Ces journalistes sont uniquement poursuivis du fait de leur activité professionnelle. Ils doivent être relâchés immédiatement », a déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières. Hilal Mammedov : dans une cage métallique La première audience préliminaire du procès de Hilal Mammedov s’est tenue le 9 janvier 2013 devant le tribunal de Bakou pour les délits aggravés. Le procureur Tural Yusifov a rejeté toutes les demandes de la défense, qui réclamait notamment que le journaliste ne comparaisse plus dans une cage métallique, qu’il puisse s’asseoir près de ses avocats et que le procès soit filmé de façon à garantir l’impartialité des débats. Les avocats de Hilal Mammedov ont souligné la faiblesse des pièces à conviction et demandé un complément d’enquête. Ils ont également réclamé que la détention provisoire du journaliste soit commuée en assignation à résidence. Rédacteur en chef du journal Tolishi Sado, défenseur des droits de l’homme et directeur du Centre culturel talysh, Hilal Mammedov est emprisonné dans des conditions déplorables depuis le 21 juin 2012, date à laquelle il a été arrêté pour « trafic de drogue » dans une affaire montée de toutes pièces. Deux semaines plus tard, de nouveaux chefs d’inculpation ont été retenus contre lui : désormais accusé d’« incitation à la haine », de « haute trahison » et d’espionnage au profit de l’Iran, il risque au moins quinze ans de réclusion et la confiscation de tous ses biens. Son cas rappelle fortement celui de son prédécesseur à la tête de Tolishi Sado, Novruzali Mamedov (Новрузали Мамедов, aucun lien de parenté). Condamné à dix ans de prison pour «espionnage» et «incitation à la haine» en 2008, ce dernier était mort à l’hôpital pénitentiaire de Bakou l’année suivante, faute de soins appropriés. Tolishi Sado est un journal en langue talysh, qui milite pour les droits de cette minorité persanophone vivant essentiellement dans le sud de l’Azerbaïdjan. Hilal Mammedov est également connu pour être l’auteur d’une vidéo très populaire, devenue l’étendard de nombreux mouvements de protestation dans plusieurs pays d’ex-URSS. Cette chanson intitulée « Pour qui te prends-tu ? Allez, au revoir », a notamment été détournée par l’opposition russe pour appeler au départ de Vladimir Poutine. Khayal TV : les journalistes boucs émissaires Vugar Gonagov et Zaur Guliyev, respectivement directeur et rédacteur en chef de Khayal TV, ont comparu le 9 janvier 2013 devant le tribunal du district de Khatchmaz (nord-est du pays). Avec deux autres prévenus, ils sont accusés d’« organisation ou participation à des troubles à l’ordre public » (article 233 du code pénal) et d’« abus de pouvoir » (article 309.2). On les accuse d’avoir mis en ligne une vidéo qui a déclenché un mouvement de protestation dans la ville de Guba, le 1er mars 2012. Cette vidéo montrait le gouverneur du district, Rauf Habibov, tenant des propos injurieux à l’égard de ses administrés lors d’une réunion d’équipe. La dispersion des milliers de manifestants qui s’étaient rassemblés après sa diffusion avait dégénéré en de violents affrontements, en marge desquels plusieurs journalistes avaient été passés à tabac. Si Khayal TV avait bien filmé l’intégralité de la réunion, les enregistrements avaient rapidement été détruits à la demande de l’administration locale. Vugar Gonagov et Zaur Guliyev nient avoir une quelconque responsabilité dans l’apparition de la vidéo sur YouTube. « Il est choquant que la justice considère Khayal TV responsable des troubles pour avoir simplement fait son travail. Tout comme Hilal Mammedov et Avaz Zeynalli, Vugar Gonagov et Zaur Guliyev doivent être libérés au plus vite, mais également être indemnisés pour le temps qu’ils ont déjà passé en détention et les mauvais traitements qu’ils y ont subi. Ces derniers doivent faire l’objet d’enquêtes complètes et impartiales. Nous réitérons notre profonde inquiétude quant aux conditions de détention de ces quatre journalistes, et tenons l’administration pénitentiaire pour responsable de leur sort », a conclu Christophe Deloire. Avaz Zeynalli: la prison envers et contre tout La trente-cinquième audience du procès d’Avaz Zeynalli, rédacteur en chef du quotidien Khural, s’est tenue le 9 janvier devant le tribunal de Bakou pour les délits aggravés. Le procès, qui a débuté en mai 2012, semble ne pas avancer. Le journaliste est accusé d’extorsion de fonds (article 311.3 du code pénal) sur le fondement du témoignage d’une ancienne députée du parti au pouvoir, Gular Akhmedova. Or, cette femme est aujourd’hui elle-même poursuivie pour « corruption » et « assassinat ». A la différence d’Avaz Zeynalli, elle n’est pourtant pas incarcérée mais assignée à résidence. Le journaliste avait été arrêté en octobre 2011, peu après la publication d’un article très critique à l’égard du président de la république, Ilham Aliev, et la saisie de l’équipement de Khural. Malgré de sérieux problèmes de santé, ses demandes de remise en liberté conditionnelle ont toutes été rejetées, et il reste l’objet de brimades et de privations de ses droits.
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Updated on 20.01.2016

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