L’hebdomadaire Asia-Plus encourt 165 625 euros d’amende pour diffamation








Reporters sans frontières, en association avec l’Union des journalistes du Tadjikistan (TUJ) et l’Association nationale des médias indépendants du Tadjikistan (NANSMIT), dénonce les poursuites engagées contre l’hebdomadaire indépendant Asia-Plus, par le chef de la Direction de la répression des organisations criminelles (UBOP), Anvar Taguoïmourodov, en violation du droit international et tadjik concernant la liberté d’expression. Anvar Taguoïmourodov réclame un million de somoni (TJS, soit 165 625 euros) de dommages et intérêts à la rédaction d'Asia-Plus pour la publication d'informations « diffamatoires et offensantes, portant atteinte à son honneur, à sa dignité et à sa réputation ». Il a porté plainte auprès du tribunal régional de Douchanbe, suite à la parution de l'article « Instruction ou inquisition ? » dans le numéro du 21 décembre 2010 de l'hebdomadaire. Le journaliste Ramzii Mirzobekov y relatait le recours à la torture de certains prévenus par des agents de l'UBOP dans la région de Sogdïsk. Anvar Taguoïmourodov a déclaré que « le correspondant (Ramzii Mirzobekov) a cédé à ses émotions et a fait preuve d'inattention et de précipitation dans ses rapports avec les autorités. Le ministère de l'Intérieur et l'UBOP, se fondant sur les dires des personnes intéressées, ont admis que ses déclarations ont un caractère diffamatoire et offensant ». Il a également prétendu que Ramzii Mirzobekov et les autres journalistes, ayant couvert l'attaque terroriste de Khodjend « connaissent ceux qui ont accompli cet acte terroriste, étaient informés de leurs mauvaises intentions et avaient peut-être des liens avec eux ». Le 19 septembre 2010, des combattants, possiblement du Mouvement islamique d’Ouzbékistan, avaient attaqué un convoi de militaires tadjiks dans la vallée du Rasht (Est), provoquant plus de vingt-cinq morts. Le ministre de la Défense avait alors accusé dix-sept médias tadjiks ayant relayé cet événement, de « complicité avec les terroristes ». S'en était suivie une vague importante de répression et de censure : enquêtes fiscales contre des titres indépendants et leurs maisons d'édition, blocage de sites d'informations, etc. Le rédacteur en chef d’Asia-Plus, Marat Mamadchoïev, considère la déclaration d’Anvar Taguoïmourodov comme profondément révoltante. Son correspondant, Ramzii Mirzobekov, avait déjà été interrogé par la procureur au sujet de ses articles, soit-disant pour en préciser les informations, en réalité pour en connaître les sources. La procureur l'avait alors accusé de faute grave et lui avait refusé les services d'un avocat, outre-passant l'interdiction légale de divulguer les sources journalistiques. Or, l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), signé en 1999 par le Tadjikistan, garantit le « droit à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de diffuser des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». De plus, l'article 30 de la Constitution de la République du Tadjikistan assure à tout citoyen la liberté de parole, de presse, le droit de jouir de toutes les ressources d'informations de masse et interdit la censure gouvernementale et les poursuites pour critique. La multiplication des poursuites contre les journalistes et des procédures légales qui y sont liées, atteste que leur but final n'est pas la réparation des fautes et le triomphe de la justice, mais de réduire au silence les médias critiques ou d'opposition. La pression sur la presse indépendante risque d'entraîner des restrictions importantes de la liberté d'expression et l'accroissement de l'autocensure au Tadjikistan. Son image sur la scène internationale pourrait en être fortement dégradée. Reporters sans frontières appelle les autorités juridiques à acquitter la rédaction d’Asia-Plus, en vertu de la Constitution tadjik et des normes juridiques internationales. S’associant à NANSMIT et TUJ, RSF les engage à mettre fin à toutes violations du droit constitutionnel des citoyens à la liberté d’expression et à l’accès à l’information.
Publié le
Updated on 20.01.2016