L’étau Khorochkovsky se resserre sur les chaînes TVi et 5 Kanal

Le 14 décembre 2010, la Cour suprême administrative d’Ukraine a débuté l’examen, en appel, de la décision de retirer leurs fréquences et leurs licences aux chaînes TVi et 5 Kanal. Reporters sans frontières réitère son soutien aux deux chaînes. L’organisation redoute que TVi et 5 Kanal soient privées de leur capacité de diffusion, ce qui serait l’exemple le plus probant de la pression politique exercée actuellement sur les médias ukrainiens. TVi et 5 Kanal avaient été dépossédées de leurs fréquences et de leurs licences de diffusion le 8 juin 2010, suite à une plainte déposée par le groupe télévisuel Inter. Sa direction avait contesté l’attribution, par le Conseil national de l’audiovisuel en janvier 2010, de 33 fréquences à TVi et de 26 à 5 Kanal (Inter n’en ayant reçu que 20). Or la société Inter Media Group appartient à Valéry Khorochkovsky (photo RFE/RL), qui cumule les fonctions de responsable des services secrets ukrainiens (SBU), de membre du Haut Conseil de Justice (chargé notamment de nommer les juges) avec celle de patron du plus influent groupe audiovisuel privé. La concentration de tels pouvoirs aux mains d’un même homme ne peut que mener à des conflits d’intérêts, qui menacent la liberté des médias et l’impartialité de la justice. Cette situation a d’ailleurs été dénoncée par les députés du Conseil de l’Europe, le 25 novembre 2010. Le Parlement européen a condamné, le même jour, la suppression des fréquences de TVi et de 5 Kanal, redoutant qu’elle soit motivée par un conflit d’intérêt. Dans une lettre commune adressée le 13 décembre au Conseil de l’Europe, au Parlement européen, au Président et au Premier ministre ukrainiens, les journalistes de TVi, 5 Kanal et STB ont appelé les autorités ukrainiennes à suivre les résolutions des institutions européennes et à démettre Valéry Khorochkovsky de certaines de ses fonctions. La pression exercée sur les chaînes privées prend plusieurs formes. Depuis juin 2010, le directeur général de TVi, Mykola Knyazhytsky, est suivi par les services secrets (SBU). Sa surveillance avait cessé, peu après que des journalistes de TVi avaient réussi à filmer une voiture du SBU. Une commission parlementaire spéciale pourrait être créée, à l’initiative du député Oles Doniy, pour enquêter sur ces faits. Mykola Knyazhytsky a demandé au procureur général d’enquêter sur la surveillance dont lui et son éditeur en chef, Vitaly Portnikov, feraient l’objet. Par ailleurs, le journaliste d’Ukrainska Pravda, Mustafa Nayem, a été arrêté le 13 décembre, à proximité des locaux de 5 Kanal. Des policiers l’ont emmené au commissariat, après l’avoir fait sortir du véhicule (de Tatyana Danylenko, journaliste de 5 Kanal) pour contrôler ses papiers. Il ont justifié son arrestation par le fait qu’il soit de type caucasien et se sont emparés de son téléphone portable. Le journaliste a été relâché deux heures plus tard. Reporters sans frontières dénonce les pressions exercées sur les journalistes de TVi et 5 Kanal. L’organisation appelle les autorités ukrainiennes à respecter les résolutions rendues le 25 novembre par le Conseil de l’Europe et le Parlement européen. Il est impératif que Valéry Khorochkovsky ne soit plus dans la capacité d’interférer dans la procédure judiciaire ni d’exercer une pression via les services secrets sur des chaînes concurrentes, dans le but de servir les intérêts de son groupe télévisuel, Inter. Reporters sans frontières appelle enfin la Cour suprême administrative de Kiev à prendre en compte tous ces éléments dans l’établissement de son jugement.
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Updated on 20.01.2016