Les suspensions de journaux et les condamnations de journalistes, une pratique quotidienne en Iran

Reporters sans frontières condamne la multiplication des suspensions de journaux et les condamnations de journalistes en Iran au cours de ces derniers jours. Le quotidien économique Asia a été suspendu et les licences de publication de deux autres hebdomadaires Sepidar et Parastoo ont été annulées par la Commission d’autorisation et de surveillance de la presse, organe de censure du ministère de la Culture et de l’Orientation islamique. En même temps, les condamnations de journalistes par les tribunaux continuent de tomber. Badrolsadat Mofidi, journaliste et secrétaire générale de l’Association des journalistes iraniens, a été condamnée à six ans de prison ferme. Le 17 août 2010, Mohammed Ali Ramin, vice-ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, a déclaré que sur décision de la Commission d’autorisation et de surveillance de la presse, le quotidien économique Asia a été suspendu pour "publication d’images allant à l’encontre des vertus publiques". Le dossier a été transmis au ministère de la Justice pour instruction judicaire. Le journal est en réalité fermé pour ses articles critiquant le programme économique du gouvernement et la forte implication des Gardiens de la Révolution dans l’économie. C’est la troisième fois depuis son lancement en 2002 que ce journal est suspendu. Reporters sans frontières rappelle que plusieurs journalistes et collaborateurs d’Asia ont été emprisonnés depuis la création du journal. Le 6 juillet 2003, le quotidien avait été suspendu suite à l’intervention du procureur général de Téhéran, Saïd Mortazavi, pour "publicité contre le régime", après la publication la veille d’une photo de Maryam Radjavi, dirigeante des Moudjahidin du peuple. Iraj Jamshidi, rédacteur en chef du journal, a alors été arrêté et avait passé plusieurs mois en détention. La directrice du journal, Saghi Baghernia, avait été condamnée, le 19 août 2006, à six mois de la prison par la Cour suprême de justice de Téhéran, pour "propagande contre le régime". Le journaliste Ali-Reza Ahmadi avait quant à lui été arrêté le 29 juillet 2003, avant d’être libéré, le 8 janvier 2004, après le versement d’une caution d’un milliard de rials (environ 100 000 euros). Les licences de publication de deux autres journaux Sepidar et Parastoo ont également été annulées pour "publication d’images allant à l’encontre des vertus publiques". Sepidar appartient aux milices des étudiants de l’université de Téhéran. Ce journal, proche des miliciens extrémistes, a publié dans ses derniers numéros des articles critiquant Esfandiar Rahim Mashai, le vice-président controversé de Mahmoud Ahmadinejad. Dans un numéro, le journal avait également publié la caricature d’un des fils de l’ancien président Hashemi Rafsandjani, impliqué dans une affaire de corruption avec une société norvégienne. Ces fermetures sont le résultat de règlements de comptes au sein du régime. La répression contre la presse continue en Iran. La suspension des journaux est une pratique quotidienne du gouvernement d’Ahmadinejad depuis sa réélection en juin 2009. Le vice-ministre de la Culture et de l’Orientation islamique, Mohammed Ali Ramin, tient sa promesse de tout mettre en œuvre pour "liquider" la presse. Sous le prétexte de préserver "la morale publique", le pays a été littéralement vidé de ses journalistes et de ses journaux. Nous rappelons que depuis le 12 juin 2009, plus de vingt journaux ont été suspendus en Iran. L’organisation a en outre appris, avec consternation, la condamnation de Badrolssadat Mofidi, secrétaire générale de l’Association des journalistes iraniens, à six ans de prison ferme et cinq ans d’interdiction d’exercer tout activité journalistique, par la 26e chambre du tribunal de la révolution de Téhéran. La journaliste, arrêtée le 28 décembre 2009, avait été incarcérée à la section 209 de la prison d’Evin, avant d’être libérée, le 7 juin dernier, après avoir versé une caution de 100 millions de toman (75 000 euros). La lourde condamnation de Badrolssadat Mofidi, secrétaire générale de l’Association des journalistes iraniens, et la fermeture depuis un an de l’association, constituent une condamnation contre tous les journalistes et la liberté de la presse. Reporters sans frontières rappelle que le président Mahmoud Ahmadinejad et l’ayatollah Ali Khamenei figurent sur la liste des prédateurs de la liberté de la presse, établie chaque année par l’organisation.
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Updated on 20.01.2016