"Les prescriptions d’assassinats de journalistes sont un gage tragique d’éternelle impunité"

Reporters sans frontières appelle l’Etat colombien et le Parquet général de la Nation à prendre toutes les mesures nécessaires afin de surseoir au délai de prescription de l’action pénale concernant l’assassinat du journaliste Nelson De la Rosa Toscazo, le 3 août 2013. Ce photographe, du quotidien El Universal, a été tué à Cartagena, dans le département de Bolívar (nord), le 3 août 1993. Les assassinats de professionnels de l’information commis avant 2000 sont prescrits au bout de vingt ans en Colombie. Si rien n’est fait d’ici la fin de l’année, d’autres homicides pourraient rester éternellement impunis, comme ceux des journalistes de radio Manuel José Martínez Espinosa (28 septembre 1993), Eugenio Orejuela Micolta (18 novembre 1993) et Danilo Alfonso Baquero Sarmiento (26 décembre 1993). "Il revient à la justice colombienne d’enquêter sur tous les assassinats de journalistes, même s’ils ont été commis il y a plus de vingt ans, afin d’identifier et de poursuivre les responsables. L’Etat se doit de lutter contre l’impunité non seulement pour les familles – qui ont le droit d’exiger la vérité et la justice – mais également pour garantir le respect de la liberté de l’information", déclare Reporters sans frontières. "Au même titre que ceux de José Eustorgio Colmenares Baptista et Guillermo Cano, ces assassinats doivent être considérés comme relevant de crimes contre l’humanité, imprescriptibles au regard du droit colombien et international, afin d’éviter qu’ils ne sombrent dans l’oubli. Les prescriptions sont un gage tragique d’éternelle impunité", ajoute l’organisation. "Si l’imprescriptibilité des crimes constitue une avancée, cette qualification doit surtout entrainer une accélération des procédures judiciaires, afin que justice soit rendue au plus vite". Les homicides des journalistes Gerardo Didier Gómez et Carlos Lajud Catalán – respectivement tués le 11 février et le 19 mars 1993 – ont déjà été prescrits au début de l’année 2013, comme dans l’immense majorité des cas. Le 11 mars 2013, l’assassinat de José Eustorgio Colmenares Baptista (directeur du journal La Opinión de Cúcuta), commis le 12 mars 1993, a toutefois été déclaré "crime contre l’humanité" par le Parquet spécial de première instance de Cúcuta (Fiscalia Primera Especializada de Cúcuta), le qualifiant "d’imprescriptible". Cette déclaration a sonné comme une reconnaissance des violences envers les journalistes survenues durant le conflit armé, en particulier de 1990 à 1995. En 2010, l’Unité des droits de l’homme du Parquet général avait déjà attribué le même qualificatif concernant l’assassinat de Guillermo Cano (tué en 1986).
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Updated on 20.01.2016