Les journalistes, victimes de la traque des Frères musulmans

Loin de l’attention médiatique et de la mobilisation internationale suscitée par la condamnation en juin dernier des trois journalistes d’Al-Jazeera à des peines allant de sept à dix ans de prison, d’autres journalistes et blogueurs - connus pour leurs prises de position contre la politique du nouveau régime - continuent de faire les frais de la politique répressive du président Al-Sissi.

Le 1er septembre 2014, Imad Abou Zeid, 49 ans, correspondant pour le journal Ahram Gate à Beni Suef (100 km au sud du Caire) a été condamné par la cour pénale de Beni Suef à une peine de trois ans de prison pour appartenance aux Frères musulmans. Il avait été détenu durant trois mois en septembre 2013 dans une prison militaire avant d’être libéré en attendant l’enquête. En cause, ses nombreux reportages et articles publiés dans le journal Swef online ainsi que sur sa page Facebook où il critiquait le coup d’Etat militaire de juillet 2013. Imad Abou Zeid - à l’instar des 20 prévenus condamnés le 23 juin dernier à l’issue du procès surnommé la “cellule du Mariott” - est une énième victime de la dérive totalitaire du président Al-Sissi. Depuis que la confrérie des Frères musulmans a été déclarée organisation terroriste en décembre 2013, plus d’une vingtaine de journalistes et d’activistes de la société civile ont été arrêtés puis détenus sans procès ni charge retenue contre eux, sous prétexte d’avoir travaillé pour un média appartenant ou affilié aux Frères musulmans. Nombre d’entre eux ont entamé une grève de la faim. “Les autorités usent et abusent du chef d’accusation d’appartenance aux Frères musulmans pour emprisonner des activistes et acteurs de l’information connus pour leur opposition au nouveau régime. De telles pratiques violent toutes les normes internationales en matière de respect des droits de l’homme et de liberté de l’information”, déclare Virginie Dangles, adjointe à la directrice de la Recherche à Reporters sans frontières. Le 25 août 2014, le photographe pour le Yaqeen News Network, Ahmed Gamal Ziyadah, incarcéré depuis le 28 décembre 2013, a déclaré s’associer au vaste mouvement de grève de la faim - la plus longue remonte à plus de 200 jours - entamée par de nombreux activistes détenus ces dernières semaines. Arrêté suite à sa couverture des affrontements entre la police et des partisans des Frères musulmans à l’université d’Al-Azhar, Ahmed Gamal Ziyadah est depuis en détention provisoire. Il est poursuivi pour “participation à une manifestation illégale”, “agression sur agents de police” et “port d’arme”. Ahmed Gamal Ziyadah figure sur la liste des 60 détenus en grève de la faim. Ils entendent ainsi protester contre leur incarcération arbitraire et dénoncer les tortures subies en détention, le report systématique des audiences et le renouvellement illimité de leur détention provisoire. Ils sont soutenus par des dizaines de sympatisants à l’extérieur des prisons. Le Syndicat des journalistes a annoncé que dix journalistes s’étaient joint à la grève de la faim en cours. Des partis politiques ont par ailleurs annoncé leur intention de rejoindre le mouvement, parmi lesquels le Parti de la Constitution de l’ancien candidat à la présidence, Mohamed El-Baradei. Lors d’une conférence de presse organisée le 7 septembre dernier, Mohamed Gamal Ziyadah, a dénoncé les violences physiques dont son frère a été victime. En grève de la faim, Ahmed Gamal Ziyadah aurait été transféré dans un hôpital suite à un malaise. Mohamed Gamal Ziyadah a également fait mention des nombreuses pressions du personnel pénitentaire afin que son frère cesse sa grève de la faim. En vain. Le photographe a déclaré “La liberté ou la mort”. Enfin, le célèbre blogueur et activisite Alaa Abdel Fattah - figure de proue du mouvement de la grève de la faim - a été libéré sous caution, le 15 septembre. Le 11 juin 2014, il avait été condamné par contumace, avec 24 autres prévenus, à 15 ans de prison pour avoir enfreint la loi relative aux manifestations. Ce vaste mouvement de grève témoigne de la gravité extrême de la situation des droits de l’homme en Egypte depuis l’arrivée au pouvoir d’Al-Sissi. Les violations des libertés fondamentales sont quotidiennes : arrestations, détentions arbitraires prolongées et tortures. Les journalistes sont tout particulièrement ciblés, mettant en danger la liberté d’information dans le pays.
Publié le
Updated on 30.03.2017